Les négociations avec les militaires qui s’étaient mutinés la semaine dernière se sont avérées plus complexes que prévu vendredi 13 janvier, avec des discussions traînant en longueur, une vive tension à Bouaké, et des tirs dans plusieurs casernes de Côte d’Ivoire dont la plus grande à Abidjan.

Visiblement mécontents, les mutins ont repris le contrôle des accès à Bouaké en soirée. « A environ 500m de notre caserne de la légion de gendarmerie, j’entends des tirs. Nos hommes qui étaient en poste, ont été priés de se replier pour nous rejoindre. La ville est désormais sous leur contrôle » , a confié un gendarme de Bouaké.

Dans l’après-midi, ils avaient ordonné en tirant en l’air aux nombreux journalistes présents de quitter les environs de la résidence du préfet où avaient lieu les discussions. De la même manière, ils avaient auparavant dispersé, à deux reprises dans la matinée, des manifestants qui protestaient contre leurs agissements. « Libérez Bouaké ! », « on a faim, on veut travailler ! », scandaient notamment les manifestants.

Depuis le matin, quelques habitants de Bouaké ont quitté la ville pour le sud. D’autres se sont réfugiés dans les villages environnants en attendant une accalmie. Des véhicules ont été arrachés à des particuliers ainsi qu’à des entreprises implantées à Bouaké, comme la Compagnie ivoirienne d’électricité. Celle-ci a perdu deux de ses véhicules de dépannage, emportés par des mutins, selon nos informations.

« Des rafales qui proviennent de la caserne »

Si à Bouaké, les tirs étaient intenses, à Abidjan, ils étaient également entendus, dans la grande caserne d’Akouédo (est d’Abidjan), ainsi qu’à Bondoukou (est du pays) et à Odienné (nord-ouest) . « Il y a eu des tirs, des rafales qui proviennent de la caserne. Ça s’arrête et ça repart aussitôt », a affirmé à l’AFP Mathilde Kouadio, une professeur résidant dans le quartier d’Abidjan. D’autres témoins ont aussi assuré, sous couvert de l’anonymat, avoir entendu des coups de feu.

« Les tirs ont débuté ici vers 21 heures. Les populations qui vaquaient à leurs occupations ont été prises de court. La ville s’est vidée en une dizaine de minutes. Chacun est chez lui et ce sont les militaires qui paradent seuls dans les rues de Bondoukou », a expliqué au téléphone, Alphonse Kobenan, un habitant de Bondoukou.

Les revendications des mutins, dont beaucoup sont d’anciens rebelles, sont matérielles. Elles marquent le retour d’un problème récurrent dans un pays sorti en 2011 de dix ans de rébellion dont Bouaké fut la capitale. Les soldats réclament le paiement de primes, des augmentations de solde, une promotion plus rapide entre les grades ainsi que des logements. De source proche du dossier, ils réclament notamment près de 10 millions de Francs CFA par personne (15 000 euros), un montant jugé « complètement déraisonnable » par une autre source militaire.

La Côte d’Ivoire a mis en route en 2016 une ambitieuse loi de programmation militaire jusqu’en 2020. Elle prévoit la modernisation et l’achat d’équipements pour 1,2 milliard d’euros et une refonte des effectifs. L’armée ivoirienne – 22 000 hommes au total – compte trop de gradés comparativement au nombre de soldats.