C’était jeudi 12 décembre, à l’heure du café de l’après-midi. Un communiqué officiel de la télévision publique algérienne, l’ENTV, est publié et repris par les médias. En raison des « coûts en perpétuelle et exponentielle augmentation des droits de retransmission », la télévision nationale algérienne ne diffusera pas les matchs de la CAN. L’organisme parle d’une situation « très fâcheuse », dénonce une « attitude incompréhensible du détenteur des droits », BeIN Sports, et regrette que cela « prive des millions de téléspectateurs », en Algérie, mais aussi « dans toute la région », de regarder les matchs.

Une indignation qui ne semble pas avoir atteint Aziz, qui hausse les épaules : « T’as bien un décodeur, non ? » Les paraboles sur les toits servent à capter les chaînes satellitaires francophones et arabophones. Quelqu’un trafique un boîtier, le branche sur la connexion Internet, et France 24, Al-Arabiya ou CNN apparaissent. « D’ailleurs, lors du dernier match contre le Cameroun, je me souviens d’avoir entendu les commentaires en allemand. Je ne regardais pas l’ENTV », se souvient-il.

« Les pauvres vont galérer »

Améziane a posé ses sachets de plastique noir par terre pour allumer une cigarette : « La conséquence, c’est toujours la même. Les pauvres vont galérer pour voir les matchs. » Le quotidien francophone Al-Watan est en colère, mais pas contre l’Etat. « Au lieu de promouvoir le football comme elle le clame, la CAF [Confédération africaine de football] a au contraire privilégié ses intérêts financiers », écrit le journaliste Yazid Ouahib.

L’organisation africaine a décidé de vendre à un opérateur, SportFive, une filiale du groupe Lagardère, les droits de diffusion des matchs. Améziane ajoute : « L’Algérie est un grand pays. Mais on négocie avec le FMI, et on n’a pas l’influence nécessaire pour s’opposer au capitalisme, même dans le football. » Marwan a repassé un coup d’éponge sur son comptoir : « Tu imagines un pays qui paie des millions pour retransmettre du foot alors que c’est la crise ? »

Cette semaine, la Ligue de défense des droits de l’homme annonçait que des centaines d’écoles du pays n’avaient pas de chauffage. BeIN demandait un million de dollars par match diffusé. Khaled a recommandé un café en rigolant : « Ce n’est pas ça qui va nous empêcher de voir jouer l’équipe nationale ! Je vais demander à mon fils, il regarde les matchs sur son ordinateur, lui. » 2017 pourrait être la CAN du streaming. Enfin, si la connexion Internet ne flanche pas.