Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle, à Boeux-les-Mines (Pas-de-Calais), le 13 janvier. | DENIS CHARLET / AFP

En ce vendredi soir glacial du 13 janvier, Emmanuel Macron entre dans la baraque à frites, Chez Momo, celle rendue célèbre par le film Bienvenue chez les Ch’tis. Regroupés sur le parking du magasin grossiste alimentaire Metro d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), les photographes immortalisent l’instant. Oubliée l’image du banquier d’affaires de Rothschild, énarque, soumis à l’ISF. M. Macron, sourires en rafale, le nez au-dessus des friteuses, rappelle ses origines nordistes et met au défi les journalistes d’entamer une conversation en ch’ti.

C’est la fin d’une séquence en terres populaires, celles du bassin minier. « Une terre de courage », insiste l’ancien ministre de l’économie dans un hommage aux mineurs, « des gens vaillants, pas des lâches ». De Lens à Hénin-Beaumont, en passant par Nœux-les-Mines, le candidat à la présidentielle est venu à la rencontre des habitants d’une cité minière en rénovation, des commerçants et des artisans de l’Artois et, pour finir, des salariés d’un grand magasin pour leur remettre la médaille du travail.

Sandrine, hôtesse de caisse, Fabrice, du rayon conserves, ou Sabine, l’assistante des ressources humaines : pour chacun, il prend le temps de les féliciter pour leur longue carrière, quinze ou vingt ans de boîte. Car M. Macron n’a qu’un mot en tête : le travail. « Nous sommes dans un pays qui parfois doute. La clef, c’est le travail », déclare-t-il devant une assemblée de salariés, de soutiens et de clients réunis à la sortie de Metro.

« Il parle avec ses tripes »

Dans ce territoire du Pas-de-Calais, il salue les meilleurs ouvriers de France, présents à ses côtés, eux qui représentent « l’excellence française au quotidien, un exemple pour nos jeunes ». Auparavant, il a déambulé pendant près d’une heure dans les rayons du grossiste pour dialoguer, les yeux dans les yeux, avec ces Nordistes de la France d’en bas.

Après avoir goûté une Ch’ti blonde, bière brassée à Bénifontaine, un petit village de 300 habitants, il trinque à la santé de cette brasserie familiale presque centenaire avec Annick Castelain, la directrice générale, fière de vendre son breuvage à l’export, même en Belgique. « C’est important pour nous d’apporter une vision d’entrepreneurs à des hommes politiques, nous dit-elle. Parfois ils sont assez éloignés du terrain et des entreprises. » Sensible au discours « assez novateur » de Macron, cette patronne de PME attend de voir son programme pour se prononcer. « En tous les cas, il est très facile d’accès, à l’écoute et il pose des questions plutôt pertinentes. »

M. Macron confie que ces déplacements sont indispensables pour ouvrir le dialogue. « Ça me nourrit d’une matière première qui est essentielle. J’aime aller au contact, il faut être sincère. Il y a des moments bouleversants dans une campagne, ça rentre dans votre chair. » Une sincérité non feinte, assure-t-il, qui a fait mouche chez les gens du Pas-de-Calais rencontrés vendredi. « Il parle avec ses tripes », estime Bruno Rosik, 61 ans, vice-président de la chambre de commerce et d’industrie d’Artois. Le midi, cet ancien fils d’ouvriers issu d’une famille de huit enfants a accueilli dans son restaurant lensois 230 personnes issues de la société civile. Des enseignants, des étudiants, beaucoup d’artisans et de commerçants, et aussi des membres du corps médical.

« Safari »

Délocalisation, Régime social des indépendants (RSI), charges : « Après les questions, il a été applaudi, raconte Bruno Rosik, qui a voté Hollande en 2012. C’est quelqu’un de nouveau, ce n’est pas un homme d’appareil et son approche est différente. Maintenant, on attend le programme. » Son fidèle associé, Hervé Wacquiez, a choisi : il votera Macron. « Son discours m’a boosté. C’est un peu comme un coup de foudre. Faut lui laisser sa chance, après tout, ça peut pas être pire ». Anti-FN, le restaurateur n’a jamais milité mais, à 50 ans, cet électeur de gauche a envie de s’engager dans le mouvement En Marche !

Devant une pyramide de choux et de sacs de carottes, Josiane et Bernard Laurent confirment : « On est lassés des promesses non tenues et de voir toujours les mêmes têtes. Il est temps de crever l’abcès dans ce pays et d’essayer autre chose, sans passer par les extrêmes », insiste Bernard Laurent, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Lens. Le Front national, il ne faut pas lui en parler.

Dans l’après-midi, le maire FN d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois, a dégainé un communiqué de presse acide à l’encontre d’Emmanuel Macron, venu « dans le Pas-de-Calais comme certains vont au safari, avec pour seul but de revenir avec de belles photos ». « C’est stupéfiant de forfanterie ! Le FN n’a pas l’exclusivité du peuple français. J’irai partout pour aller convaincre ceux qui doutent ou sont en colère », assure celui qui samedi devait se rendre sur les terres de Martine Aubry, la maire de Lille qui dit « ras le bol de Macron ».