John Lewis est élu à la Chambre des représentants des Etats-Unis depuis 30 ans. | TASOS KATOPODIS / AFP

A deux jours du Martin Luther King Day, Donald Trump a choisi samedi 14 janvier de s’en prendre à l’une des personnalités les plus révérées du Parti démocrate, John Lewis. Le président élu n’a pas apprécié les remarques de cette icône du mouvement des droits civiques, élu au Congrès depuis trente ans.

Le représentant du cinquième district de Géorgie a annoncé qu’il ne participerait pas à la cérémonie d’investiture du 20 janvier. « Je crois au pardon. Je crois qu’il faut essayer de travailler avec tout le monde. Cela va être difficile. Je ne considère pas le président élu comme un président légitime », a déclaré M. Lewis, 76 ans, dans une interview sur la chaîne NBC. Vainqueur de l’élection, Donald Trump a perdu le vote populaire face à Hillary Clinton, une situation rendue possible par le système électoral américain.

Comme à son habitude, M. Trump a réagi sur Twitter, assurant que « le parlementaire John Lewis ferait mieux de passer du temps à s’occuper d’aider sa circonscription, qui est dans un état déplorable et qui se désintègre (sans parler de la criminalité qui la gangrène) plutôt que de se plaindre à mauvais escient des résultats de l’élection. Paroles, paroles, paroles – pas d’action ni de résultats. Regrettable! ».

Héros de la lutte contre la ségrégation

Plusieurs figures conservatrices comme les auteurs Dinesh D’Souza et Mark R. Levin ont soutenu le milliardaire, fustigeant M. Lewis et sa remise en cause du résultat du scrutin. D’autres personnalités plus modérées, à l’image de David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama, le journaliste Piers Morgan ou l’activiste russe Garry Kasparov, lui ont également reproché d’avoir ouvert les hostilités.

Mais la majorité des réactions ont plutôt visé les propos de Donald Trump. John Lewis, 76 ans, jouit d’un immense respect aux Etats-Unis pour sa participation active à la lutte contre la ségrégation raciale aux côtés de Martin Luther King Jr. De nombreuses photos du parlementaire matraqué par la police, le visage en sang ou arrêté lors d’une marche ont envahi les réseaux sociaux afin d’illustrer son engagement. La NAACP, principale organisation de défense des droits civiques, a demandé à M. Trump de s’excuser.

Que le président élu reproche son inaction à un militant régulièrement passé à tabac dans les années 1960 a suscité beaucoup d’ironie. Celle de Jerry Springer, connu pour ses émissions de télé-poubelle, par exemple. « Dire que John Lewis, membre héroïque du Congrès, n’est que parole revient à dire que mon émission de télévision est de l’art », a-t-il commenté sur Twitter.

Réactions ironiques aussi alors que le nouveau président américain doit visiter à Washington le musée de l’histoire et de la culture afro-américaine à l’occasion du Martin Luther King Day, jour férié célébrant la naissance du célèbre pasteur. Quelques utilisateurs de Twitter l’ont invité à y visiter l’exposition figurant... John Lewis.

Evan McMullin, candidat indépendant lors de l’élection présidentielle, a préféré mettre en parallèle le destin des deux hommes, rappelant que Donald Trump n’avait pas combattu au Vietnam. « Pendant que vous vous faisiez réformer, John Lewis risquait sa vie pour l’égalité en Amérique. Vous ne pourriez même pas rêver d’un patriotisme aussi désintéressé, Donald. »

Les habitants d’Atlanta en colère

Le New York Times a également souligné que si Donald Trump semblait trouver intolérable de voir sa légitimité remise en cause, lui-même n’avait pas hésité à douter publiquement du lieu de naissance de Barack Obama.

Donald Trump s’est aussi attiré les foudres des habitants d’Atlanta et sa périphérie, vexés qu’il décrive leur région, représentée par M. Lewis, comme une zone gangrénée par la violence et la pauvreté. Rappelant que le district abritait parmi les quartiers les plus riches de l’état de Géorgie, le site Internet du quotidien The Atlanta Journal-Constitution a invité ses lecteurs à poster des photos de leurs communautés en utilisant le mot-clé « defendthe5th » (défendez les cinquième). Avec un taux de pauvreté inférieur à la moyenne nationale et une criminalité en baisse, chiffres du FBI à l’appui, le cinquième district n’a rien de l’enfer dépeint par M. Trump.

La polémique a en tout cas poussé de nouveaux élus démocrates à boycotter la cérémonie d’investiture. Le site politique The Hill en a recensé dix-sept. Et selon le site Thinkprogress, les ventes des ouvrages consacrés à la vie de John Lewis ont explosé en quelques heures sur Amazon.