La première ministre britannique, Theresa May, lors d’une conférence de presse à Londres, le 13 janvier. | FRANK AUGSTEIN / AFP

Pour Theresa May, il n’y a pas de « hard » ou de « soft » Brexit. La première ministre britannique, qui doit exposer solennellement, mardi 17 janvier à Londres, sa stratégie pour quitter l’Union européenne (UE), préfère gommer les dissensions qui agitent son gouvernement et la majorité conservatrice qui le soutient et opposent précisément les partisans d’un « soft Brexit » à ceux qui prônent un « hard Brexit ».

Mme May dit ne viser qu’un seul objectif : négocier « le meilleur accord pour le Royaume-Uni » en obtenant à la fois la fin de la libre entrée des Européens sur le sol britannique, et un accès maximum au marché unique de l’UE pour l’économie britannique post-Brexit. Deux exigences unanimement considérées comme incompatibles par les vingt-sept Etats continentaux de l’Union.

Alors que la totalité de l’échiquier politique britannique reconnaît désormais le Brexit comme une réalité en marche, la nature et l’ampleur des liens à conserver avec l’UE font l’objet de vifs débats.

D’un côté, le « hard Brexit » : ceux qui privilégient le contrôle de l’immigration et assurent que le pays peut prospérer en négociant en solo des traités de libre-échange avec les pays du Commonwealth et les grandes puissances américaines et asiatiques. De l’autre, le « soft Brexit » : ceux qui pensent que l’économie britannique ne peut pas se passer du libre accès au marché unique de 500 millions de personnes – le premier du monde –, qui se trouve à sa porte, quitte à accepter la libre circulation des personnes. Les deux options répondent aux caractéristiques suivantes :

  • « Hard Brexit » ou « Clean Brexit »

Sortie du marché unique européen. Les relations du Royaume-Uni avec l’UE ne seraient plus régies que par les règles de l’Organisation mondiale du commerce à laquelle Londres devrait réadhérer individuellement. Londres n’aurait pas plus de lien avec l’UE qu’avec n’importe quel pays du monde. Retour des droits de douane et autres mesures protectrices.

Une version plus « hard » encore prévoirait non seulement la sortie du marché unique, mais aussi de l’Union douanière européenne (dont la Turquie fait partie), seule façon pour le Royaume-Uni de négocier en solo des accords de libre-échange. Une tâche jugée si importante qu’un ministère dédié et confié à Liam Fox a été créé dans le gouvernement May.

Refus d’un compromis sur la libre circulation des Européens entre le Royaume-Uni et le continent. Exigence d’un visa et/ou d’un permis de travail pour pénétrer sur le sol britannique.

  • « Soft Brexit »

Maintien d’un accès au marché unique, au moins pour certains secteurs de l’économie. Boris Johnson, le ministre des affaires étrangères, qui a promis le maintien du Royaume-Uni dans le marché unique pour rassurer les électeurs pendant la campagne du référendum, soutient aujourd’hui la position inverse.

Maintien d’une forme de libre circulation des personnes et d’une contribution au budget de l’UE.

Entre ces deux situations extrêmes, que Mme May dit refuser, existent toutes sortes de compromis panachant les caractéristiques des modèles existant pour les pays européens non-membres de l’UE, qui ont « accès » au marché unique sans en être « membres ». Mais aucun de ces modèles « prêt-à-porter » ne convient tel quel à Londres.

  • Les autres modèles en Europe

La Norvège jouit du plein accès au marché unique en contrepartie d’une contribution financière (que Theresa May n’exclut pas), d’une acceptation des directives européennes (sauf en matière d’agriculture, de pêche, de justice et d’affaires intérieures) et d’une libre circulation des personnes (deux exigences que Mme May refuse).

La Suisse jouit d’un accès partiel au marché unique en vertu d’un accord de libre-échange et de nombreux accords sectoriels bilatéraux avec l’UE. Mais ces accords ne couvrent pas le secteur des services financiers et bancaires, qui constituent l’essentiel de l’économie britannique. Berne a accepté de verser une contribution au budget de l’Union (que Londres accepte) ainsi que la libre circulation des personnes (que Londres refuse). En dépit d’un référendum de 2014 favorable au rétablissement de quotas d’immigration, le gouvernement helvétique, sous la pression de Bruxelles, a renoncé en décembre 2016 à cet objectif, incitant seulement les entreprises à privilégier la main-d’œuvre locale.

Le Canada jouira d’un accès partiel au marché unique européen lorsque l’Accord économique et commercial global (CETA), signé le 30 octobre 2016 après sept années de négociations, entrera en vigueur. Il n’est accompagné d’aucune obligation de contribution financière ou de libre circulation des personnes, mais exige le respect des normes européennes et exclut les services financiers si cruciaux pour l’économie britannique.