Les candidats à la présidence du Parlement européen, avec, de gauche à droite, Gianni Pittella, Guy Verhofstadt et Antonio Tajani, lors d’un débat à Bruxelles le 11 janvier 2017. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Le social-démocrate Martin Schulz aura été un flamboyant président du Parlement européen, mais, alors que son deuxième mandat s’achève et qu’il a choisi de tenter une nouvelle carrière politique en Allemagne, son remplacement à Strasbourg s’avère compliqué. La désignation de son ou sa remplaçante, mardi 17 janvier, lors d’un scrutin à bulletin secret auquel sont conviés les 751 eurodéputés, fait l’objet d’une bataille inédite.

En l’absence, contrairement à l’usage, d’accord préalable entre les principaux partis de l’hémicycle (les conservateurs, les sociaux-démocrates et les libéraux), et sachant qu’aucun d’entre eux ne dispose de la majorité absolue, l’élection risque d’être arbitrée par les extrêmes. Guy Verhofstadt, le candidat du camp libéral, a semblé donner une indication en ce sens, en tentant en vain, la semaine passée, une improbable alliance avec les eurosceptiques italiens du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo. Un projet « contre-nature », selon ses détracteurs, aussitôt retiré après avoir suscité un tollé retentissant.

En fait, aucun des partis populistes ne présente de postulant sérieux. Le FN et ses alliés de la Ligue du Nord italienne ou du FPÖ autrichien, réunis au sein du groupe Europe des nations et des libertés (ENL), alignent un quasi inconnu, le Roumain Laurentiu Rebega. Les europhobes britanniques du UKIP, de moins en moins présents depuis la victoire du Brexit, et leurs alliés de l’ELDD (Europe de la liberté et de la démocratie directe), ont même renoncé à désigner un candidat. Et n’ont donné aucune consigne de vote. Mais les formations eurosceptiques comptent 100 élus avec les non-inscrits depuis qu’ils sont entrés en force au Parlement, en 2014, et tiennent une belle occasion de peser dans l’hémicycle.

Vocation par défaut

Les deux candidats principaux – Antonio Tajani, 63 ans, chez les conservateurs, Gianni Pittella, 58 ans, pour les sociaux-démocrates –, semblent incapables d’atteindre la majorité absolue dès le premier tour. Tous deux sont italiens, habitués de la politique bruxello-strasbourgeoise, mais peu connus du grand public et peu charismatiques, y compris dans leur propre camp.

Leur vocation a émergé ces derniers mois un peu par défaut, à la suite de l’annonce par l’actuel président de son départ pour Berlin. « Tout le monde s’attendait à un troisième mandat de Schulz, personne n’avait de plan B », affirme l’eurodéputé conservateur Alain Lamassoure.

M. Tajani est handicapé par sa proximité avec l’ex-président du Conseil italien Silvio Berlusconi, et beaucoup d’élus (notamment Verts) lui reprochent de n’avoir rien fait quand il était commissaire à l’industrie (de 2010 à 2014) pour empêcher l’usage des logiciels truqueurs par des constructeurs automobiles.

Tractations

Gianni Pittella, lui, veut en finir avec le pacte entre conservateurs et sociaux-démocrates mis en place par Martin Schulz, qui a étouffé le débat dans l’hémicycle. Mais il aura du mal à trouver des suffrages chez les libéraux, encore chauds partisans de ces « grandes coalitions » entre la gauche et la droite de gouvernement. Les conservateurs lui reprochent déjà de faire le jeu des europhobes.

Les tractations pourraient durer jusqu’au quatrième et dernier tour de scrutin, mardi, la question étant aussi de savoir si Guy Verhofstadt retirera sa candidature, et si oui, au profit de qui. L’ancien premier ministre belge aurait eu une chance s’il n’avait pas tenté de pactiser avec le Mouvement 5 étoiles.

« C’est une bonne chose de politiser enfin le débat à Strasbourg », assure la socialiste Isabelle Thomas. La libérale Sylvie Goulard est plus circonspecte. Brièvement candidate (elle a vite été écartée par M. Verhofstadt), la Française craint que cette élection ne fragilise l’institution. « Les élus ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le Parlement aurait mieux à faire, en pleine crise européenne et alors que Donald Trump fait son entrée à la Maison Blanche. »