Du 11 au 14 janvier, 382 groupes et chanteurs ont joué devant près de 40 000 spectateurs _ dont plus de 4000 professionnels de la musique, dans une quarantaine de lieux de Groningue, la grande ville universitaire du nord des Pays-Bas, à l’occasion de la 22e édition du festival Eurosonic. Chaque année, ce « showcase festival », marché du spectacle rock & pop, est l’occasion de découvrir une myriade de jeunes talents qui feront l’actualité des mois à venir. Voici une petite sélection de nos paris 2017 repérés là-bas.

Shame

shame - The Lick (Live at Dropout Studios)
Durée : 04:22

Dans l’étroit club de l’Etage, on a pu communier, à portée de jets de bière et de postillons, avec cinq gamins de Brixton portés par une foi débordante en l’urgence punk et la vitalité régénérée des guitares. Enchaînant les hymnes jouissifs et les danses déchaînées, les Londoniens de Shame offrent une cure de jouvence au rock anglais tout en rendant hommage aux aînés des Sex Pistols ou de The Fall. On a hâte d’entendre ce que donnera dans un premier album le mariage habile de basse et batterie contondantes, de deux Stratocaster à la fluidité presque « fifties » et des diatribes tonitruantes du chanteur, Charlie Steen.

Anna Meredith

Anna Meredith - R-Type
Durée : 04:44

Peu d’artistes programmés à Groningue se sont autant affranchis des formatages pop qu’Anna Meredith. Sur la scène d’un Grand Theatre, au délabrement ultra designé, cette chanteuse et multi-instrumentiste londonienne grandie en Ecosse et diplômée du Royal College of Music s’entoure d’une instrumentation atypique – violoncelle, basson, guitare, claviers, percussions, clarinette… – pour inventer d’intenses fusions entre musique contemporaine, electro et chanson indie-rock. Un souffle et une excitante complexité que l’on retrouve dans l’album, Varmints, sorti en 2016.

Mario Batkovic

Mario Batkovic Solo: RESTRICTUS (Accordion) [Official Music Video]
Durée : 07:46

Durant le marathon des multiples clubs et salles programmant les concerts d’Eurosonic, c’est un bonheur de pouvoir se recueillir sous les grandes orgues de l’église Aa-Kerk où se donnent quelques unes des performances les plus envoûtantes du festival. A l’instar de celle de Mario Batkovic, accordéoniste bosniaque exilé en Suisse, dont le jeu décloisonne l’habituel usage du piano à bretelles. Au croisement du jazz, du minimalisme contemporain et de la mélancolie balkanique, le musicien pousse l’extension de ses notes jusqu’à l’essoufflement de son instrument, jouant avec intensité de son soupir rauque et du rythme des cliquetis des touches. Une singularité qui a su attirer l’attention du producteur Geoff Barrow, membre de Portishead, qui l’a signé sur son label, Invada (BEAK>, Sleaford Mods, The KVB…).

The Mysterons

The Mysterons - Thunderbird 1
Durée : 03:51

Ce quintette amstellodamois séduit par sa façon mutine de jouer avec les références psychédéliques, un groove moelleux et l’acidulé d’une chanteuse, Josephine Van Schaik, aux airs d’Alice émerveillée. Dominées par l’orgue Hammond et les synthétiseurs Korg du clavier Pyke Pasman, leurs chansons savent aussi se perturber de complexité rythmique et d’une inquiétude, tapie dans l’ombre de la pop

J.Bernardt

J. Bernardt - Calm Down (Official Audio)
Durée : 02:52

Alors que Balthazar, un des meilleurs groupes de la scène belge, a décidé de faire un long break, ses deux chanteurs, Maarten Devoldere et Jinte Deprez, ont présenté chacun ses nouveaux projets sur les scènes d’Eurosonic. Le premier distille sous le nom de Warhaus (et dans un premier album, We Fucked A Flame) les ambiances sombres de narrations incantatoires, privilégiant le décorum sonore aux mélodies. On préfèrera la façon dont Jinte Deprez bricole, sous le nom de J.Bernardt, des chansons aux refrains accrocheurs, fruits de l’artisanat du home studio, marquées aussi par les productions du R’n’B. S’il s’éloigne de l’intensité perfectionniste de Balthazar – remise en avant par Devoldere –, il en préserve la part la plus attachante.

The Moonlandingz

Black Hanz - The Moonlandingz
Durée : 04:47

Leur arrivée sur la scène du Vera, le club le plus mythique de Groningue, pourrait laisser croire à une blague tant le casting semble improbable – une jeune guitariste, un bassiste et un clavier aux allures de vieux piliers de pub, un chanteur gringalet seulement vêtu d’un cache-sexe argenté et d’une cape de pluie vite retirée… Mais les Moonlandingz, nouveau projet de Lias Saoudi, chanteur trublion des provocateurs de Fat White Family, impressionnent par leur façon de transformer leur pochade glam-rock salace en machine infernale. Rythmique implacable, mur du son spectorien mêlé à l’hypnose kraut-rock, hymnes scato ânonnés avec une hystérie gourmande miment la violente absurdité du monde. Produit par Sean Lennon (avec une apparition de sa maman, Yoko Ono), leur premier opus, Interplanetary Class Classics, sortira en mars.

EBBA Awards :

Comme chaque année, le festival Eurosonic est l’occasion de décerner, lors d’une émission télévisée animée par le pianiste britannique Jools Holland, les European Border Breakers Awards (EBBA), récompensant les talents d’Europe ayant connu un succès commercial hors de leurs frontières. Cette année, les lauréats ont été Dua Lipa (Royaume-Uni), Namika (Allemagne), Walking on Cars (Irlande), Era Istrefi (Albanie), Natalie La Rose (Pays-Bas), Filous (Autriche), Alan Walker (Norvège), Hinds (Espagne), Jaako Eino Kalevi (Finlande) et la Française Jain.