Série documentaire sur Planète+ CI à 21 heures

Planète CI - Un procureur sur la ville - Bobigny - série événement
Durée : 00:22

Ils ont souvent les yeux cernés et la mine un peu chiffonnée. C’est qu’on leur demande beaucoup, à ces hommes et à ces femmes qui exercent la fonction de procureur de la République. La série de cinq documentaires que Cyril Denvers leur consacre pourrait presque passer pour un film de promotion d’entrée dans la carrière – « En­gagez-vous, rengagez-vous ! » – tant elle montre la variété des missions que doivent assurer les magistrats du parquet.

« Un procureur dans la ville » serait d’ailleurs un titre plus juste à cette série qui les suit dans leurs permanences téléphoniques avec les policiers, en déplacement sur les scènes de crime, face aux ­gardés à vue, en conférences de presse, auprès des détenus, ou lors de réunions de travail avec les élus et les autres acteurs sociaux et ­économiques de la ville et, bien sûr, à l’audience où ils ont en charge de représenter l’accusation. A tout seigneur, tout honneur, c’est à ­Bobigny (Seine-Saint-Denis), le deuxième parquet de France et le département le plus criminogène du pays, que la série s’est ouverte. Une femme au parler franc, ­Fabienne Klein Donati, diri­ge l’équipe d’une cinquantaine de magistrats du parquet, confrontés à la misère et à l’extrême violence, dans un tribunal en « état d’urgence permanent ». Ici plus que partout ailleurs, le service du traitement en temps réel (TTR), celui de la permanence téléphonique du parquet, offre une plongée vertigineuse dans l’univers sombre du département, trafic de stupéfiants, rixes, immigration clandestine, foyers de radicalisation terroriste, qui forment le quotidien de ces Sisyphe judiciaires.

Planète CI - Un procureur sur la ville - Nice - série événement
Durée : 00:22

On les retrouve à Nîmes, à Epinal, à Brest, à Nice, sur le front incessant des délits routiers, des excès d’alcool ou de stupéfiants – « Je suis le sixième procureur à vous ­recevoir pour le même délit », sermonne l’un d’eux un prévenu qui bafouille des justifications maladroites –, des violences conjugales ou sexuelles, s’efforçant comme ils peuvent d’incarner l’autorité de la loi sous la lumière blafarde d’un bureau encombré de papiers, dressant entre eux et ceux qui leur font face la langue particulière du code pénal – « Je vous notifie »,« vous êtes déféré » – derrière laquelle les moins expérimentés semblent se retrancher comme à l’abri d’un bouclier ­protecteur face à l’infinie variété des dérèglements des ­comportements humains.

Tribunal de Mayotte | J2F Production / J2F Production

Quand le climat est moins tendu, les voilà encore, éphémères professeurs d’instruction civique – « je fais de l’engueulothérapie », dit l’un d’eux – ou animant, comme le procureur Etienne Manteaux, à Epinal, des « stages de citoyenneté », une alternative à l’incarcération pour des personnes condamnées à de petits délits. La scène est cocasse qui montre le procureur, face à un groupe plus ou moins attentif, expliquer qu’une « fourchette peut devenir une arme par destination » ou la différence entre meurtre et assassinat (le meurtre avec prémédi­tation) en citant l’exemple du mari jaloux – « Vous rentrez chez vous, vous trouvez votre femme au lit avec un homme, que faites-vous ? » On voit le même, lors d’une visite de routine en prison, s’enquérir des conditions de vie des dé­tenues – « Vous êtes sortante quand ? », demande-t-il poliment à une jeune femme dont on n’entend que la voix lui répondre d’un air las : « En 2024 » –, puis, dans la foulée, se tourner vers le directeur du centre pénitentiaire : « Et vos travaux d’étanchéité, c’est fini ? » Mais il y a aussi ce beau moment offert par la justice civile, lorsqu’une procureure et une juge ­accueillent une femme âgée qui demande avec émotion l’adoption de celle, plus jeune, ­assise à ses côtés. Comme une parenthèse de générosité, qui éclaire les visages des magistrats, avant qu’ils ne repartent affronter le fracas.

Un procureur sur la ville, de Cyril Denvers (Fr., 2016, 5 × 50 min).