Trente morts et près de 70 blessés. Le 15 janvier 2016, Ouagadougou, la capitale burkinabée, est frappée par la première attaque terroriste jamais perpétrée sur son sol. Revendiqué par Al-Mourabitoune, un groupe affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), l’attentat vise les clients du bar-restaurant Le Cappuccino et de l’hôtel Splendid, deux établissements se faisant face sur l’avenue Kwame N’Krumah.

Un an après, l’enquête commence à livrer ses premiers résultats. Depuis son ouverture au lendemain de l’attaque, une centaine de personnes a été entendue. Pour l’heure, un Burkinabé et deux Maliens ont été mis en examen « pour association de malfaiteurs, assassinat, tentative d’assassinat, dégradation volontaire de biens en relation avec une entreprise terroriste, complicité d’assassinat et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste », précise Maïza Sérémé, la procureure du Faso.

Commssions rogatoires laissées sans réponse

Les trois individus, placés en détention préventive, « ont été en contact avec l’organisateur en chef présumé de l’attaque » et sont suspectés d’avoir aidé les trois assaillants à la planifier. Le cerveau reste donc activement recherché. Et ce n’est pas le seul. Par ailleurs, deux individus, arrêtés et incarcérés au Mali et en Côte d’Ivoire, sont au centre des attentions de l’instruction.

« Nous souhaitons avoir leur déposition, car ils ont des informations concernant l’attaque de Ouagadougou », assure la procureure. Il y a plusieurs mois, la juge a envoyé deux commissions rogatoires au Mali et en Côte d’Ivoire. Mais elles sont restées sans réponse. « La voie diplomatique est très lourde. C’est pour cela que nous voulons privilégier la coopération informelle. Nous sommes entrés en contact avec les procureurs de ces deux pays. Ils sont d’accord pour coopérer. »

Mais qui sont ces deux individus ? La justice burkinabée se refuse à tout commentaire. Selon une source sécuritaire côté ivoirien, le viseur est pointé sur Ange-François Barry Battesti. Un homme de 24 ans arrêté le 26 mai 2016 à Abidjan. Il est suspecté d’avoir acheminé les armes qui ont servi à l’attaque de Grand-Bassam, station balnéaire située à une quarantaine de kilomètres de la capitale ivoirienne, qui avait fait 19 morts le 13 mars 2016. Deux jours après son arrestation, le ministre ivoirien de l’intérieur avait laissé entendre qu’il était également suspecté d’avoir joué un rôle dans l’attentat de Ouagadougou.

Les deux attaques, ainsi que celle perpétrée le 20 novembre 2015 à l’hôtel Radisson Blu de Bamako, au Mali, présentent des similarités. Selon la procureure, l’enquête sur l’attentat de Ouagadougou a permis « d’établir des connexions » entre les trois événements. « Les assaillants étaient tous jeunes, l’armement utilisé est similaire et les trois attaques ont été revendiquées par le même groupe [Al-Mourabitoune]. »

Le 11 janvier, celui que le ministère ivoirien de l’intérieur a présenté comme « l’un des cerveaux impliqués à un très haut niveau » dans l’attaque de Grand-Bassam, a été arrêté par les forces françaises à Gossi, au Mali. Selon une source sécuritaire burkinabée, Mimi Ould Baba Ould Cheikh était aussi recherché dans le cadre de l’enquête sur l’attentat de Ouagadougou.

Quant à l’identité des trois assaillants qui ont ouvert le feu sur les clients du Cappuccino, elle reste inconnue. Seuls leurs surnoms ont été révélés dans la revendication d’Al-Mourabitoune : Al-Battar Al-Ansari, Muhammad Al-Buqali Al-Ansari et Al-Fulani Al-Ansari. Le parquet de Ouagadougou précise toutefois qu’aucun des trois terroristes, âgés entre 19 et 25 ans, n’est de nationalité burkinabée.

Des complices toujours recherchés

Plusieurs complices demeurent activement recherchés. « Nous avons reçu des informations faisant état de la participation de plusieurs personnes à cet attentat. Des noms et des nationalités nous ont été donnés, nous sommes en train de recouper ces éléments », explique Maïza Sérémé.

Lors des premières auditions, plusieurs témoins avaient affirmé avoir vu les terroristes échanger avec des clients de l’hôtel Splendid avant l’attaque. Un an après, l’examen des vidéos des caméras de vidéosurveillance de l’établissement, effectué en collaboration avec le FBI, est encore officiellement en cours.

Les téléphones portables des trois assaillants sont aussi en cours d’analyse. « Les premiers résultats révèlent que, pendant l’attaque, ils ont reçu des messages de la part de leur commanditaire, précise la procureure. Il leur demandait si tout se passait bien, s’ils avaient abattu des gens et s’ils avaient une déclaration à faire. »

Prochaine étape pour la justice burkinabée, « établir un lien entre les différents dossiers de terrorisme qui ont malheureusement suivi ou précédé celui du 15 janvier 2016 ». Depuis cette date, les forces de sécurité dispersées dans le nord du pays, le long de la frontière malienne, ont fait l’objet d’au moins sept attaques. Des dossiers qui vont être regroupés au sein d’un cabinet d’instruction spécial, chargé de faire la lumière sur ces attaques qui frappent à répétition le « pays des hommes intègres » depuis plus d’un an.