Isabelle Kocher, en 2015. | © Gonzalo Fuentes / Reuters / REUTERS

Isabelle Kocher, 50 ans, a pris la direction générale d’Engie en mai 2016. En s’appuyant sur le développement du renouvelable et du numérique, la première femme patronne du CAC40 a lancé un vaste plan de transformation sur trois ans (de 2016 à 2018) de l’ex-GDF Suez. Présente au Forum économique de Bamako, organisé vendredi 13 janvier en amont du sommet des chefs d’Etat Afrique-France par le Medef et le Conseil national du patronat malien (CNPM), Isabelle Kocher revient sur l’amélioration des perspectives économiques du continent africain.

Pourquoi l’Afrique est-elle devenue un enjeu majeur pour Engie ?

Isabelle Kocher On assiste sur le continent à une complète redistribution des cartes. Avec le développement des technologies renouvelables dont le coût a chuté de façon spectaculaire, l’Afrique se retrouve avec des ressources énergétiques que l’on ne soupçonnait pas et qui sont de plus en plus compétitives. De nombreux pays, dont certains dépendaient complètement de l’importation de matières premières et de ressources énergétiques achetées à leurs voisins, se retrouvent aujourd’hui à la tête de ressources considérables sur leur propre sol. C’est donc un changement géopolitique auquel nous assistons.

Dans le cadre du solaire par exemple, et l’Afrique n’en manque pas, les spécialistes disent que, si l’énergie est exploitée correctement, elle pourrait correspondre à environ vingt fois la demande mondiale. Cette énergie solaire était autrefois trop chère pour être exploitée, mais maintenant elle est économique. Il y a donc une redistribution des cartes qui est absolument spectaculaire. Et, à la clé, il y a évidemment beaucoup d’emplois.

Cette chute du coût des énergies renouvelables va permettre d’augmenter la compétitivité des entreprises africaines…

Absolument. La Côte d’Ivoire, par exemple, mise dans son développement économique sur le fait que ses entreprises vont devenir des transformateurs agricoles et plus seulement des producteurs agricoles. Dans le cadre de la noix de cajou, le fait que la transformation puisse se faire sur le sol ivoirien va permettre de créer des emplois et du développement économique.

Il y a aussi un changement de donne du point de vue de l’accès à l’énergie. Une part importante de la population n’est pas encore desservie par les grands réseaux. Or ces nouvelles technologies solaires ont l’immense mérite de pouvoir être déployées à grande échelle, mais aussi au niveau d’un village, d’une ferme, d’une maison. Cela signifie qu’une part importante de la population va pouvoir y avoir accès à très court terme.

Au sein d’Engie, vous avez créé une unité spécialement dédiée à l’Afrique. Quels sont ses objectifs ?

Engie est en Afrique depuis une cinquantaine d’années. Aujourd’hui, nous accélérons notre développement sur le continent dans nos trois métiers. Tout d’abord le domaine du gaz, puisqu’il y a eu des découvertes de gisements très importants au large des côtes africaines ces dernières années et qu’ils vont permettre d’aider les pays dans leur capacité à mettre en œuvre des capacités de production. Notre deuxième métier est la construction et l’exploitation de fermes renouvelables et nous avons une quarantaine de projets dans ce sens. Enfin, notre troisième métier englobe tout ce qui concerne le service au client. Nous avons lancé avec Orange il y a un an un partenariat pour distribuer des solutions individuelles en proposant des équipements de la vie courante.

Notre unité entièrement dédiée au continent africain démarre bien puisqu’elle a aujourd’hui 3 gigawatts de capacité de production d’électricité installés ou en cours d’installation. C’est une entité qui part de deux positions déjà assez fortement installées en Afrique du Nord, principalement au Maroc, ainsi qu’en Afrique du Sud. Partant de ces deux positions, cette entité a pour mission de se développer en Afrique de l’Ouest et de l’Est avec une approche ciblée sur une douzaine de pays pour que les trois métiers que développe Engie connaissent un développement significatif dans les années qui viennent.

Nous voulons permettre l’accès à l’électricité à 10 millions de personnes d’ici à 2020, ce qui est une ambition forte. On a aussi une ambition élevée puisque nous voulons soutenir le développement industriel sur ce continent. On est en train de basculer vers un monde de développement économique et entrepreneurial.

Depuis plusieurs mois, on assiste à un débat sur le rôle du franc CFA sur les économies africaines. Etes-vous favorable au maintien de cette monnaie ?

Pour être franche, je n’ai pas de conviction arrêtée sur ce sujet. Mais je peux dire que le franc CFA a contribué à notre développement. Je constate donc qu’il fonctionne plutôt bien.

Le groupe que vous dirigez a connu un renouvellement de son état-major au début du mois de janvier avec le départ de Sandra Lagumina, qui avait été nommée directrice générale adjointe en janvier 2015. Pourquoi ce changement d’organigramme ?

Il y a un an, nous avons commencé à transformer notre équipe de manière forte parce qu’un certain nombre de dirigeants partaient à la retraire. J’ai alors cherché à enrichir l’équipe dans deux directions. La direction des activités de services, en renforçant notamment le nombre d’équipes, des temps de réactivité très court auprès des clients, un niveau de compétitivité extrêmement élevé… J’ai enrichi progressivement l’équipe dans cette direction des services.

La deuxième direction que j’ai cherché à favoriser, c’est l’internationalisation de notre équipe. Je viens donc de faire entrer dans notre comité exécutif Shankar Krishnamoorthy, un dirigeant indien qui a passé vingt ans dans notre groupe et présente à son actif des réussites importantes puisque c’est lui qui a conduit au cours de ces dernières années le développement d’Engie au Moyen-Orient, où nous avons construit 60 gigawatts de capacité installés. Ce sont des échelles considérables et c’est lui qui a mené ce développement. Il vient donc étoffer notre équipe et j’ai du coup procédé à un certain nombre d’aménagements.