Des scientifiques contrôlent une baleine de Minke dans le port d’Ayukawa, à Ishinomaki, dans la préfecture de Miyagi, le 26 avril 2014. | KYODO / REUTERS

Depuis le début du mois de décembre 2016, l’ONG Sea Shepherd et les baleiniers japonais jouaient au chat et à la souris dans l’immensité de l’océan Austral. Dimanche 15 janvier, grâce à leur hélicoptère, les écologistes sont parvenus à repérer et à prendre en photo un bateau japonais, qualifié d’« abattoir flottant » : sur son pont gisait une baleine de Minke, espèce protégée, qui venait d’être pêchée. Non loin se trouvaient deux navires de pêche avec harpon. La scène s’est déroulée, selon l’ONG, dans les eaux australiennes de l’Antarctique, au cœur de l’Australian Whale Sanctuary, une zone où toute pêche à la baleine est interdite.

« Cette photo est une preuve qui pourrait nous être utile plus tard devant la justice », estime Jeff Hansen, le directeur de Sea Shepherd Australia. « Dès qu’ils [les chasseurs japonais] nous ont vus, ils ont couru sur le pont pour couvrir la baleine d’une bâche. Ils savent que ce qu’ils font est illégal. » C’est la première photo que l’ONG parvient à prendre depuis que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné en 2014 à Tokyo de cesser la chasse à la baleine dans l’Antarctique. Saisie par l’Australie, celle-ci avait jugé que le programme de pêche japonais n’était pas à but scientifique mais commercial et était donc illégal.

L’Australie « profondément déçue »

Depuis 1986, la chasse à la baleine est interdite. Le Japon a bien signé le moratoire international mais le contourne en affirmant réaliser des études scientifiques, ce qui est autorisé. Tokyo a cependant beaucoup de mal à convaincre de la véracité de son argument et la viande de baleine continue d’être servie dans certains restaurants japonais.

« Cette baleine que nous avons prise en photo a été coupée en morceaux, mise en boîte pour être vendue sur les marchés. Le monde entier le sait », dénonce Jeff Hansen.

L’opération menée par Sea Shepherd le 15 janvier coïncidait avec la visite d’Etat du premier ministre japonais, Shinzo Abe, en Australie. Le sujet n’a cependant pas été abordé, au moins officiellement, par le chef du gouvernement australien, Malcolm Turnbull. Le ministre australien de l’environnement, Josh Frydenberg, a cependant publié un communiqué dans lequel il se dit « profondément déçu » que le Japon ait décidé de retourner chasser dans l’océan Austral. « L’Australie s’oppose à la pêche à la baleine commerciale ou prétendument scientifique », ajoute le ministre.

Sea Shepherd demande depuis plusieurs années à l’Australie d’envoyer des bateaux pour empêcher les Japonais de pêcher. « Nous sommes les seuls entre les bateaux de chasse japonais et ces magnifiques baleines. Or ce n’est pas à nous d’être là », critique Jeff Hansen.

Politique de harcèlement

La mission qui a démarré en décembre contre les baleiniers est la onzième de l’ONG. Une fois sur l’eau, un des défis pour ces défenseurs de l’environnement consiste à trouver les bateaux de pêche : « C’est une zone immense. Cela revient à chercher quelques gros camions sur un continent deux fois plus grand que l’Australie », explique le directeur de l’ONG. Sea Shepherd dispose d’un hélicoptère et de deux bateaux, dont un nouveau, Ocean-Warrior, qui a été financé par la loterie nationale néerlandaise. « Le guerrier de l’océan » est capable d’aller plus vite que les baleiniers, ce qui permet à l’équipe de Sea Shepherd de poursuivre les Japonais pour les empêcher de pêcher, alors qu’elle était facilement distancée jusqu’en 2016. Cette politique de harcèlement a permis de sauver environ 6 000 baleines en une dizaine d’années, selon l’ONG.

Jeff Hansen a du mal à estimer le nombre de baleines déjà tuées cette année. « La météo n’a pas été bonne pour les chasseurs car il y a eu beaucoup de brouillard et de tempêtes », se félicite-t-il. Les autorités nippones, qui avaient renoncé à la campagne de chasse 2014-2015 après la décision de la CIJ, ont repris la pêche en 2016. Elles ont fixé un quota de 333 baleines de Minke pour cet été austral, ce qui est inférieur aux objectifs fixés avant 2014. La saison devrait se terminer au plus tard en mars, quand les baleines en quête d’une météo plus clémente commenceront à remonter vers le nord.