Invité jeudi 19 janvier du Club de l’économie Le Monde, le premier ministre, Bernard Cazeneuve, a d’abord été interrogé sur le devoir de protection de l’Etat. « Je connais les interrogations sur la capacité à s’adapter au mouvement de mondialisation tout en préservant nos protections sociales, a indiqué le chef de l’exécutif. Mais l’action du gouvernement ne se réduit pas à protéger. Protéger n’exclut pas d’innover, de prendre son risque. Cela ne veut pas dire se recroqueviller. »

Concernant l’état d’urgence, M. Cazeneuve a estimé qu’il n’avait « pas vocation à durer éternellement ». Néanmoins, a-t-il ajouté, détaillant les garanties judiciaires qui avaient été apportées tout en rehaussant le niveau de protection, « l’état d’urgence n’est pas la monstruosité que j’ai parfois vue décrite ». Le premier ministre a également jugé nécessaire d’« amener progressivement le budget de la défense à 2 % » du budget de l’Etat.

M. Cazeneuve s’est montré déterminé à faire aboutir la question des travailleurs détachés. « Je souhaite quitter Matignon en ayant rendu ce dossier irréversible », a-t-il affirmé. Il doit se rendre à Berlin le 13 février pour évoquer, notamment, ce sujet avec la chancelière Angela Merkel. Rappelant que la France a été « à l’initiative » de la révision de la directive européenne et avait pris des dispositions au plan national à travers la loi Macron, il a « invité chacun à ne pas être dans la post-réalité ». « Il ne faut pas avoir une vision rabougrie, protectionniste, sur ces sujets », a-t-il insisté.

« Abandon des principes de respect »

Sur la question du revenu universel, le premier ministre s’est voulu « extrêmement pragmatique et prudent ». « Nous devons avancer sur ces sujets dès lors que nous sommes en mesure d’en préciser et d’en assurer le financement », a-t-il ajouté, sans livrer sur le fond son sentiment sur ce type de dispositif.

C’est sur le bilan du quinquennat que M. Cazeneuve s’est montré plus incisif. « Nous avons fait énormément de choses », a revendiqué celui qui aura été membre du gouvernement pendant toute la durée du quinquennat, aux affaires européennes, au budget, à l’intérieur et maintenant à Matignon. « Je ne donne pas quelques mois avant qu’on se dise que le regard porté sur ce quinquennat a été bien injuste », s’est-il dit convaincu.

Revendiquant enfin une certaine « éthique » en politique, il a fermement déploré « un processus d’abaissement du débat politique, d’abandon des principes de respect ». « J’appelle au respect et à la mesure, a-t-il appuyé. On peut s’affronter avec respect et exigence intellectuelle. »

Sa conclusion avait toutes les apparences d’une mise en garde à l’endroit d’Emmanuel Macron. « Il a choisi son chemin. J’ai avec lui des points de divergence mais je ne les exprime pas de façon acrimonieuse, a souligné M. Cazeneuve. La fidélité est une valeur en politique. Il y a aussi la sincérité. Si l’on se réfère à Pierre Mendès France, il faut accepter de prendre des risques, de dire ce que l’on veut faire et comment on va le faire. Sinon, on est dans un processus d’évitement. »