Selon une étude publiée le 18 janvier dans « Science Advances », les primates pourraient disparaitre d’ici 25 à 50 ans. | Zhaao !/CC BY 2.0

Editorial du « Monde ». Si rien ne change, nous assisterons à des extinctions de masse des singes d’ici vingt-cinq ans ou cinquante ans. La perspective a de quoi frapper les esprits. Les primates sont nos plus proches cousins. Mais l’appétit de l’homme pour les biens de la planète est sans limite. Nous continuons à nous conduire comme si la Terre nous appartenait, comme si les ressources étaient infinies, comme si notre espèce était supérieure aux autres.

En poursuivant notre demande exponentielle de produits agricoles, de viande, d’hydrocarbures ou de minerais, de profits, nous détruisons l’habitat des primates sur l’ensemble de la planète. Plus aucune forêt ni aucun animal n’est à l’abri. Résultat : 60 % des espèces de singes sont en danger d’extinction en raison des activités humaines, tandis que 75 % des populations accusent déjà un déclin. Voilà le constat alarmant que dressent trente et un primatologues, dans la plus vaste étude jamais menée à ce jour.

Les singes ne sont pas les seuls menacés. Jamais la planète n’a perdu ses espèces animales et végétales à un rythme aussi effréné depuis la dernière extinction de masse, il y a soixante-six millions d’années, celle des dinosaures. La rapidité de disparition est cent fois supérieure à ce qu’on a observé dans le passé. Les scientifiques parlent désormais de « sixième extinction de masse ». Plus de la moitié des vertébrés ont disparu en quarante ans. Les mammifères mythiques d’Afrique sont en péril. Le déclin des éléphants est spectaculaire. Le nombre de pachydermes vivant dans les savanes africaines a chuté de 30 % entre 2007 et 2014. Avant la colonisation, le continent comptait 20 millions d’éléphants, ils n’étaient plus que 1 million en 1970, il en reste moins de 400 000 aujourd’hui. Le sort des lions, léopards ou rhinocéros n’est guère plus enviable.

A chaque fois, les causes sont identiques. Destruction des habitats – sous l’effet de l’agriculture, de l’élevage, de l’exploitation du sous-sol –, chasse et braconnage, pollution et réchauffement climatique forment un cocktail mortel. L’impact de l’homme sur les milieux naturels ne va cesser de croître en raison d’une démographie galopante, tout particulièrement en Afrique.

Des conséquences irréparables

Les alertes répétées des scientifiques n’y changent rien : le monde du vivant disparaît sous nos yeux. Les générations à venir ne verront sans doute les animaux sauvages que dans les zoos, ou à travers des images d’archives. Les conséquences en termes de biodiversité seront irréparables. Car la disparition de certaines espèces affecte l’ensemble des milieux, modifiant les relations de prédation, de compétition, de coopération entre animaux, ainsi que la chaîne alimentaire. C’est tout le fonctionnement des écosystèmes qui se trouve perturbé, menaçant ainsi les services qu’ils rendent aux populations humaines : pollinisation, productivité des terres, assainissement de l’air et de l’eau, ou encore stockage du CO2 par les forêts et les océans.

Que faire ? L’espèce humaine a édicté des règles prudentielles partout quand il s’agissait de protéger sa richesse notamment. Mais comment préserver le capital naturel ? Les experts recommandent d’établir une gouvernance équitable des ressources, qui n’exclut plus les populations locales les plus pauvres ; de s’attaquer véritablement aux trafics ; mais surtout de mieux produire et de consommer plus raisonnablement. Les humains peuvent encore ignorer le message des scientifiques, mais alors ils risquent de faire partie des espèces qui disparaîtront.