François Hollande vu par l’application Meitu. | A partir d'une photo de l'AFP

Elle était jusqu’ici très peu connue en Europe et aux Etats-Unis, mais depuis quelques jours l’application chinoise Meitu y fait beaucoup parler d’elle. A première vue, elle ne semble pas très originale : elle permet, à la manière d’Instagram ou de Snapchat, de modifier très facilement un portrait, en y ajoutant des filtres qui embellissent. Mais sa particularité réside surtout dans sa capacité à donner aux photos une allure « kawaï » (« mignon » en japonais) à la manière des mangas, en agrandissant les yeux, en rosissant les joues et les lèvres, tout en ajoutant un fond fleuri ou poétique.

Depuis quelques jours, de nombreux internautes ont publié sur les réseaux sociaux leurs photos – et celles de personnalités, comme des chefs d’Etat – modifiées avec Meitu, ce qui lui a donné beaucoup de visibilité, et a apporté de nouveaux téléchargements.

Plusieurs experts en sécurité informatique se sont toutefois alarmés du succès surprise de cette application. Selon eux, celle-ci serait extrêmement invasive : elle aurait accès à de nombreuses fonctionnalités du téléphone et données personnelles dont elle n’a pas besoin pour fonctionner.

Appels, connexion wifi, identifiant de l’appareil…

S’il est normal qu’elle puisse utiliser l’appareil photo – indispensable pour prendre les images –, il est plus étrange qu’elle ait accès à d’autres outils et informations. Le chercheur en sécurité informatique Greg Linares a par exemple indiqué que cette application avait accès à des données sur la localisation de l’utilisateur, les autres applications qu’il utilise, des informations sur les appels, la connexion wifi, et même l’identifiant unique du téléphone. Meitu peut même « changer vos paramètres audio », sans que l’on sache pourquoi. Sur iOS, le système d’exploitation d’Apple, l’application pourrait savoir quel est l’opérateur téléphonique, mais aussi si le téléphone est « jailbreaké » (débridé), selon un autre spécialiste, Jonathan Zdziarski.

Pour se défendre, l’entreprise a assuré au site spécialisé TechCrunch, « nous travaillons de près avec Apple et Google sur chaque produit et nous suivons rigoureusement les règles concernant la vie privée ».

Toutefois, précisent la plupart des experts ayant critiqué l’application, celle-ci est loin d’être la seule à se montrer aussi gourmande. Récupérer les données des utilisateurs, souvent pour les revendre ou pour afficher de la publicité ciblée, est une des méthodes utilisées pour rentabiliser une application gratuite. « Meitu ne fait rien d’autre que ce que font déjà des milliers de développeurs cupides », estime Jonathan Zdziarski. Meitu a toutefois démenti, cette fois auprès du site Cnet, revendre les données de ses utilisateurs.