Image satellite du théâtre (au centre) et du tétrapyle (en haut) détruits par l’EI, vendredi 20 janvier | HO / AFP

L’organisation Etat islamique (EI) menaçait ces derniers temps de reprendre la destruction de trésors archéologiques de Palmyre. C’est chose faite. Selon des images satellite rendues publiques le 20 janvier, le tétrapyle, un édifice de seize colonnes qui marquait un carrefour important le long de la longue colonnade de la ville, édifié vers 270 après J.-C, a été rayé de la carte. Non loin de là, la façade du théâtre romain, haut lieu des mises en scène atroces perpétrées par l’EI, n’est plus. Dynamitée, elle aussi. Comme si les djihadistes voulaient prévenir toute représentation à venir d’un nouveau maître de la ville.

En mai 2016, l’Orchestre symphonique du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg avait célébré au son des notes de Prokofiev la reprise de Palmyre à l’EI, qui avait déjà occupé la ville antique dix mois durant, avant d’en être chassés par une offensive russo-syrienne appuyée par des milices chiites. Moscou avait alors largement contribué à cette victoire en engageant avions de combat, hélicoptères mais aussi des forces spéciales et des mercenaires au sol.

Début décembre 2016, le groupe djihadiste s’est nouveau emparé de Palmyre au terme d’une offensive éclair de quatre jours. La conquête de la ville par troupes de l’EI n’était pas sans rappeler alors leur conquête initiale de mai 2015 : rapidité des hommes au drapeau noir et débandade des forces gouvernementales, en plus de l’abandon, cette fois, par le contingent laissé sur place par Moscou de ses positions, les soldats russes ayant évacué la ville avant l’arrivée des djihadistes.

« Crime de guerre »

Avant de détruire le théâtre à coups d’explosifs, l’EI s’est mis en scène une dernière fois dans les lieux en assassinant des membres de l’Armée syrienne libre (ASL), la rébellion modérée, capturés dans la région du Qalamoun, près de Damas, et des miliciens du régime emprisonnés à Palmyre. Selon la coordination rebelle de Palmyre, qui regroupe des militants de l’opposition, au moins 12 personnes ont été tuées dans le théâtre, ainsi que dans l’enceinte de l’ancienne base russe. En juillet 2015, l’EI avait déjà diffusé une vidéo montrant 25 soldats du régime syrien assassinés par des adolescents sur la scène du théâtre.

Ces destructions sont « un crime de guerre et une immense perte pour le peuple syrien et l’humanité, a dénoncé vendredi la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova. Ce nouveau coup porté au patrimoine culturel, quelques heures après que l’Unesco a été informée d’une exécution massive dans l’ancien théâtre de Palmyre, montre combien le nettoyage culturel conduit par des extrémistes vise à la fois les vies humaines et les monuments historiques, afin de priver le peuple syrien de son passé et de son avenir. »

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a promis vendredi 20 janvier de reprendre Palmyre. Le début de l’année 2017 ressemble donc à un éternel recommencement, alors qu’à chaque changement d’occupant, la ville antique est un peu plus défigurée. Durant leurs dix mois de présence à Palmyre, de mai 2015 à mars 2016, les djihadistes avaient dynamité plusieurs monuments phares, comme les temples de Bêl et de Baalshamin. En mai 2016, des photos satellite ont révélé que l’armée russe avait aménagé une base à proximité immédiate du site antique, au risque de l’endommager encore un peu plus.

Dégâts à Alep

L’Unesco a également dévoilé les résultats d’une mission à Alep, du 16 au 19 janvier, visant à évaluer les dommages infligés à la vieille ville inscrite sur la liste du Patrimoine mondial et du Patrimoine mondial en péril et victime de cinq années de guerre. « Selon une première estimation, environ 60 % de la vieille ville d’Alep a été gravement endommagée, et 30 % totalement détruite », indique le rapport.

Le retour des hommes en noir à Palmyre, en décembre 2016, s’inscrit dans une nouvelle poussée de l’EI dans le Grand Est syrien. Les combats opposent toujours djihadistes et régime aux alentours de la base aérienne T-4, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Palmyre.

A 200 km à l’est de la ville antique, le régime reste en très mauvaise posture à Deir Ez-Zor, capitale provinciale et plus grande ville de l’est de la Syrie (200 000 habitants), dont l’EI contrôle la partie orientale depuis deux ans. Passées à l’attaque mi-janvier, les troupes de l’EI ont coupé en deux l’enclave gouvernementale qu’elles assiègent et continuaient ces derniers jours de progresser.