Que le pape soutienne La Marche pour la vie, qui doit rassembler les militants hostiles à l’avortement dimanche 22 janvier à Paris, n’est pas une première. François « salue cordialement les participants (…) à cette légitime manifestation en faveur de la défense de la vie humaine », a écrit le nonce apostolique dans une lettre aux organisateurs, le 18 janvier. Plus inédite est la sympathie affichée par le mouvement Sens commun, composante du parti Les Républicains (LR) qui soutient de longue date le candidat à la présidence de la République François Fillon.

« Le 22 janvier, nous battrons le pavé pour dire notre attachement à la vie, depuis son commencement jusqu’à sa fin », a publié l’organisation sur son compte Twitter le 18 janvier. Message relayé le même jour par sa porte-parole, Madeleine de Jessey, sur le réseau social. « Plus que jamais nécessaire, alors que le délit d’entrave [à l’IVG] est encore en débat ! » Mme de Jessey, secrétaire nationale LR, est également membre de l’équipe de campagne du candidat, chargée de la « France périphérique ».

Un positionnement périlleux pour M. Fillon, qui a eu toutes les peines du monde à éteindre la polémique sur ses convictions lors de la primaire de la droite. Après avoir déclaré « ne pas pouvoir approuver l’avortement compte tenu de [sa] foi » en juin 2016, il a affirmé ensuite qu’il ne toucherait pas à ce droit. La proximité affichée de ses soutiens avec les militants anti-IVG pourrait entretenir les soupçons sur ses intentions.

« Message politique »

Mme de Jessey était injoignable vendredi 20 janvier. Christophe Billan, président de Sens commun, minimise : « Ce n’est pas un appel à manifester. Nous constatons l’existence de la marche et rappelons à nos adhérents que battre le pavé est important. Moi-même je n’irai pas, car cela lancerait un message politique. » A propos de l’IVG, il estime nécessaire de « revenir à l’esprit de la loi Veil, qui consiste à dire qu’il faut encadrer une pratique qui doit rester exceptionnelle ». Depuis 2012, la gauche, pour qui l’IVG est un droit des femmes, a supprimé la condition de « détresse » de la femme qui avorte (qui n’avait dans les faits jamais été exigée par les médecins) et le délai de réflexion entre les premiers rendez-vous médicaux.

« Les tweets [de Sens commun] n’engagent qu’eux, leur éventuelle participation n’engage qu’eux, met au point Benoît Apparu, porte-parole du candidat. Il va de soi que François Fillon ne sera pas présent à cette manifestation et ne la cautionne pas. » Cela n’empêche pas les organisateurs du défilé de se réjouir. « Nous sommes très heureux du soutien de Sens commun, affirme Nicolas Sévillia, l’un des porte-parole de la marche et secrétaire général de la Fondation Lejeune, l’un des pivots de l’organisation. Peut-être ont-ils quelques regrets, car ils prennent conscience que c’est compliqué vis-à-vis de leur alliance avec François Fillon. »

La Marche se sent le vent en poupe. La manifestation (qui a eu lieu tous les ans depuis 2005, sauf en 2013 et 2016) a réuni 11 000 personnes selon la police (45 000 selon les organisateurs) lors de la dernière édition 2015. Ils en attendent davantage. Depuis les propos de François Fillon, l’IVG est revenue au premier plan du débat public. L’actualité sert également la mobilisation, puisque la création du délit d’entrave numérique à l’IVG, à laquelle s’opposent les manifestants, doit être examinée par une commission mixte paritaire de députés et de sénateurs mardi 24 janvier. Une campagne d’affichage de La Marche, « IVG tous concernés », a en outre « fait le buzz », se réjouit l’une de ses chevilles ouvrières.

Car c’est bien contre l’avortement que les manifestants veulent en priorité lutter. « Nous estimons que c’est un mal, pour la femme, pour l’enfant, pour la famille, pour la société », développe M. Sévillia. Ils ne réclameront pas la fin du droit à l’avortement, mais « une politique de santé qui permette de faire baisser le nombre d’IVG », car la France est « un des pays à la pointe de l’élimination des êtres humains avant leur naissance ». Un discours contre la « banalisation » de l’IVG tenus par les jeunes militants des Survivants ou des Eveilleurs de conscience, qui ont rejoint au sein de la Marche une génération plus ancienne (Choisir la vie, Renaissance catholique), qui revendique l’abrogation de la loi Veil.