Le dispositif contraceptif définitif Essure, placé sous surveillance renforcée depuis 2015 en raison des complications et des effets indésirables qu’il provoque, ne sera pas retiré du marché dans l’immédiat. C’est pourtant ce qu’espéraient Marielle Klein, 39 ans et mère de cinq enfants, et deux autres plaignantes de l’association R.E.S.I.S.T. (Réseau d’entraide, de soutien et d’informations sur la stérilisation tubaire) « au nom du principe de précaution dans l’attente des résultats des expertises médico-judiciaires ». Elles ont été reçues au ministère de la santé vendredi 20 janvier.

Présenté depuis 2002 comme une alternative à la ligature des trompes pour les femmes qui ne désirent plus avoir d’enfants, Essure consiste à l’introduction, par les voies naturelles, de mini-implants en forme de ressort dans les trompes de Fallope. Ceux-ci doivent déclencher une cicatrisation qui va les obstruer. Depuis sa mise à disposition, environ un million d’unités ont été vendues dans le monde dont 240 000 en France, selon le laboratoire Bayer HealthCare qui les fabrique. Remboursés par la Sécurité sociale depuis 2005, plus de 20 000 dispositifs Essure sont posés chaque année en France, mais ils sont soupçonnés de causer une large variété d’effets secondaires neurologiques, musculaires et hémorragiques.

Avec leur avocat, Me Charles Joseph-Oudin – par ailleurs défenseur des victimes du Mediator et de la Dépakine –, les trois plaignantes, inspirées par une action de groupe américaine qui rassemble des milliers de femmes, espéraient convaincre les autorités de santé hexagonales des effets indésirables sévères signalés par des dizaines de Françaises porteuses de ces implants tubaires et ralliées à l’association française créé en juin 2016 par Mme Klein.

« L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [ANSM] et le cabinet de la ministre de la santé, Marisol Touraine, ont bien conscience qu’il y a un problème lié à la pose du dispositif Essure et à sa composition, a déclaré Me Joseph-Oudin au Monde. Mais ils attendent les conclusions dans quelques semaines de deux études épidémiologiques. L’une menée par l’ANSM à partir de données de l’Assurance-maladie, et une autre demandée à Bayer par la Food and Drug Administration, l’autorité de santé américaine. »

La procédure d’indemnisation engagée par Mme Klein et deux autres plaignantes contre Bayer HealthCare, liée à la plainte qu’elles ont déposée le 9 décembre 2016, doit parallèlement être examinée, lundi 23 janvier, par le tribunal de grande instance de Bobigny. L’audience devrait toutefois être renvoyée à quelques semaines plus tard.

« D’autres problèmes ont également été relevés »

« Notre objectif est de faire nommer des experts qui se prononceront sur les pathologies énoncées et le dispositif », explique Me Joseph-Oudin qui compte aussi faire « prendre en charge » le coût des expertises par Bayer HealthCare. « C’est de l’ordre de 3 000 à 4 000 euros par dossier, indique-t-il. Environ 200 dossiers sont en cours de constitution. Ce serait pour Bayer une bonne façon de manifester son intention de faire la lumière sur cette affaire. » Le conseil de Bayer HealthCare n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.

Plusieurs centaines de complications signalées à l’ANSM ces cinq dernières années sont liées à la mise en place du dispositif ou à sa composition (en nickel) mais « d’autres problèmes ont également été relevés », indique Me Joseph-Oudin. Des centaines de femmes font état de règles hémorragiques, de violentes douleurs pelviennes, de rapports sexuels douloureux, de douleurs musculaires et articulaires, de tachycardie, de perforation d’organes, de réactions allergiques ou auto-immunes, de fatigue chronique.

Ces maux, Marielle Klein, qui avait envisagé une ligature des trompes après la naissance de son cinquième enfant en 2011, en a largement souffert. Elle a opté dès 2012 pour le dispositif Essure recommandé par sa gynécologue. Un an plus tard, elle a dû commencer à consulter à tout-va pour tenter de découvrir ce qui l’affectait. Cardiologue, neurologue, rhumatologue, dentiste…

« J’étais en errance médicale, raconte-t-elle. Personne ne pensait à des effets secondaires du dispositif Essure et les médecins m’envoyaient sur les roses en me disant que j’étais dépressive. Je vivais dans une douleur et une incompréhension à devenir folle. »

Elle a fini par découvrir sur Internet l’existence d’une action de groupe contre Essure et Bayer. « Les symptômes que décrivaient les plaignantes étaient similaires aux miens », explique-t-elle. Le 4 janvier 2016, elle a été débarrassée des implants contraceptifs par une hystérectomie avec ablation des trompes. Elle a lancé contre Essure une pétition qui a rallié plus de 50 000 signataires.

Le 9 décembre, dans un communiqué, Bayer HealthCare a expliqué être « attentif aux allégations des plaignantes et de leur conseil juridique », défendant la « sécurité et l’efficacité » et « le rapport bénéfice/risque positif » de la méthode Essure.