L’événement a dépassé les attentes de ses organisateurs. Plusieurs centaines de milliers de femmes ont défilé, samedi 21 janvier, à Washington, la capitale fédérale, et dans plusieurs grandes villes américaines. Une marche en forme de contre investiture du nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, afin de protester contre le milliardaire et ses propos machistes et misogynes.

Pour beaucoup, ce défilé ressemblait à une entrée en résistance, après la longue période de KO consécutive à l’élection surprise du candidat républicain, le 8 novembre.

Sophie Black a 25 ans et vit à Brooklyn. Elle travaille comme productrice free lance pour la télévision et a conduit jusqu’à Washington pour participer.

« Parce que je suis inquiète pour notre futur. Parce que la politique de Trump repose sur les discriminations. J’espère plus de libertés et d’interactions entre les gens »

Elle s’appelle Kathie (au centre) et est accompagnée de deux amis : Logan et Erin. Tous trois viennent de Richmond, en Virginie. | Pierre Bouvier - Le Monde

Avec son t-shirt de Planned Parenthood, la plus grande organisation de planning familial, menacée par les propos du candidat Donald Trump, Kathie vient, elle, de Richmond, en Virginie. Elle est accompagnée de deux amis : Logan et Erin, eux aussi de Richmond.

« Les droits des femmes font partie des droits de l’homme. Tous les Américains, peu importe pour qui ils ont voté, doivent voir leurs droits être protégés. Et je crois que la réponse du président Trump ne sera qu’une série de tweets, parce qu’il n’est que tweets et zéro actions. Il ne fera rien pour nous, il va falloir qu’on s’en occupe nous-même. »

Emily Hill est venue en voiture de Cape Cod, dans le Massachusetts. Comme beaucoup, elle est encore sonnée par le résultat de l’élection :

« Je suis là, parce qu’il fallait faire quelque chose. Je voudrais faire plus, mais je suis là, déjà, pour le moment »

Colin Reilly : « Je suis venu pour soutenir les femmes qui sont dans ma vie ». | Pierre Bouvier - Le Monde

Venu de New York, Colin Reilly a accompagné sa femme et sa belle-mère :

« Je suis venu pour soutenir les femmes qui sont dans ma vie : pour leur montrer que je suis à leurs côtés, que je me soucie d’elles et qu’elles sont incroyablement importantes pour moi.

Tina Frank, 28 ans, vient de Denver, dans le Colorado.

« Je suis à Washington, en raison du mouvement Black Lives Matter, pour défendre les droits des immigrants, les droits LGBTQ. Le lendemain des élections, je me suis réveillée en me disant qu’il fallait faire quelque chose. Je pense que les droits des femmes sont déjà menacés : il ne veut plus financer le planning familial. Il a dit que lorsque vous être riche et célèbre, vous pouvez faire ce que vous voulez avec les femmes. C’est une bonne indication de ce vers quoi on va. »

Alexis Blavos est docteure et professeure assistante à l’université de Cortland, dans l’Etat de New York. Elle enseigne notamment sur les questions de santé et accompagne aujourd’hui un groupe d’étudiants.

« Hier soir, il a commencé à s’en prendre à l’Affordable Care Act, ou Obamacare. Le résultat, ce seront des femmes ayant un accès plus réduit à la contraception, une augmentation des avortements, des grossesses précoces, chez les adolescentes. On sait que chaque dollar dépensé dans la prévention des naissances en économise deux pour la protection sociale. C’est le premier retour en arrière pour les droits des femmes. »

Susan Brühl et sa fille Martha Brühl, de New Haven, dans le Vermont. | Pierre Bouvier - Le Monde

Susan Brühl, de New Haven, dans le Vermont. « Nous ne sommes pas seulement pour les droits des femmes, mais pour les droits de tout le monde, pour lutter contre les inégalités. » Sa fille, Martha, surenchérit :

« Nous vivons dans un monde où tout a changé, où les droits des femmes doivent aussi évoluer et ne pas être traités en dernier. »

Germaine Brennan, de Greensburg en Pennsylvanie.

« Je pense qu’on va être mise de côté en tant que femmes. Notre protection sociale va se dégrader, nos salaires vont baisser. On va assister à un retour aux années 1950, quand les femmes restaient au foyer. Nous valons tellement plus que ça ».

Sa petite fille ajoute : « Nous sommes de méchantes femmes », en référence aux propos désobligeants de Trump envers Hillary Clinton, lors des débats télévisés.

Wendy Schaetzel Lesko dirige le Youth Activism Project, une ONG qui aide et pousse les jeunes adolescents à s’engager dans la vie politique. Militante dans les années 1970 et 1980, activiste féministe, elle se dit très impressionnée par les nouveaux mouvements type LGTBQ, Black Lives Matter etc. Elle a « évidemment » soutenue la candidature de Bernie Sanders et « évidemment », elle a été dévastée par la défaite de Hillary Clinton. Sa « santé mentale », comme elle dit, oscille depuis entre de « petits pics de satisfactions » comme lorsque Elizabeth Warren, sénatrice démocrate du Massachusetts, remet ouvertement en cause certaines nomination de Donald Trump ou quand la figure du mouvement afro-américain des droits civiques, Joe Lewis, s’attaque à la légitimité du nouveau président. « Mais le reste du temps je sombre, je suis plongée dans un trou noir. »

« L’agenda de cette nouvelle administration est tellement pro business, anti travailleurs et anti régulation que cela est devenue une ploutocratie qui est en train de prendre le contrôle du pays tout entier. Trump a su mettre le doigt sur les sentiments les plus profonds de l’homme blanc, la manière dont il se sent décalé, mis de côté. Cela a marché. Je veux que le maximum de personnes viennent à la manifestation des femmes. C’est essentiel pour la suite et le rapport de force à venir. »

Catherine Talton, venue en avion de San Francisco :

« Je suis venue pour défendre mes droits, les droits de ceux que j’aime, les droits des femmes, des gens de couleur, de tous ceux que Trump a dénigrés et qu’il ne défend pas. Je suis inquiète de la peur qu’il insuffle dans ce pays, de son pouvoir de division. Si on regarde autour de nous, dans cette manifestation, on voit que les gens sont unis, que nous sommes une majorité et c’est ça qu’il est important de retenir. »

De gauche à droite, Zerell Johnson Welch, de Leesburg, en Virginie, Abigale Bruce Watson, d’Upper Marlboro dans le Maryland et Angela Staten, de Fairfax, en Virginie. | Pierre Bouvier - Le Monde

Zerell Johnson Welch de Leesburg en Virginie.

« Je pense que l’action politique est au cœur de la démocratie. Le peuple représente la démocratie, et c’est pour cela que je suis là. Mes craintes ? Je ne dirais pas qu’il s’agit de peur, car elle vous paralyse. Mais je suis inquiète pour les droits individuels, particulièrement les droits des femmes, menacés par le président. Je suis inquiète par ce que va devenir la Cour suprême, par des choix qui auront une influence sur la vie de mes enfants, et surtout de mes filles. Je suis inquiète pour l’éducation, certains membres de son administration s’apprêtent à prendre des décisions qui auront un impact radical sur la protection sociale dont bénéficient nos enfants, et surtout ceux issus des minorités. »

Abigale Bruce Watson, d’Upper Marlboro, dans le Maryland :

« Je suis là parce qu’on doit résister à Trump quel qu’en soit le prix. Son discours, la façon dont il s’est comporté pour gagner l’élection, ont permis aux gens de sortir du bois, de discriminer ouvertement. Tout ce contre quoi on a lutté pendant le mouvement des droits civiques est bousculé par l’émergence de l’alt-right, le retour des suprémacistes blancs. C’est pour cela que je suis venue aujourd’hui. Mais aussi les droits des femmes. Je suis une femme, j’ai deux filles, qui sont de jeunes adultes et je veux qu’elles aient accès à tout ce qui est disponible en matière de soins, au planning familial, et je veux que ces choses restent disponibles. Pour ce qui est de mes craintes, j’ai peur que la façon dont Trump parle devienne la norme. Il faut dénoncer ces propos, il faut dire qu’il s’agit de racisme. »

Angela Staten, de Fairfax en Virginie :

« Je suis venue pour moi, mes sœurs, ma mère et toutes les femmes de ma vie. J’ai deux fils, et ils auront des femmes dans leur vie. Et je pense que la façon dont Trump parle est enfantine et je pense que c’est encore un morveux. Et c’est à ça que je veux résister. Et je suis aussi là pour défendre le planning familial. C’est une institution que j’ai utilisée, comme beaucoup d’autres femmes. C’est un bon programme qui doit continuer d’exister. Il en va de même pour le système de santé. Et son plan constitue une injustice pour le peuple américain. J’ai peur qu’il ne dise pas la vérité, mais je n’ai pas peur de lui, parce que j’ai la foi et que je pense qu’à la fin, on s’en sortira. »

Slogans, bonnets roses, colère et solidarité : les manifestations anti-Trump en images