Les militants hostiles à l’avortement ont défilé, dimanche 22 janvier, à Paris. | Gaëlle Dupont

Les opposants à l’avortement ont défilé en rangs serrés, dimanche 22 janvier, entre la place Denfert-Rochereau et la place Vauban, à Paris. Dans la foule, tous les âges étaient représentés. Beaucoup de familles et de jeunes étaient venus. Le défilé se déroule tous les ans depuis 2005 (sauf en 2013 et en 2016), mais cette année est particulière. Les élections présidentielles arrivent et les antiavortement jugent le moment porteur pour leurs idées. « La thématique de l’avortement est revenue dans le champ politique, estimait Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Lejeune, avant le départ de la manifestation. Cela ne s’était pas vu depuis quarante ans. »

Les organisateurs de la « Marche pour la vie » ont rappelé la bienveillance du pape envers le mouvement. Le parti chrétien démocratique de Jean-Frédéric Poisson et Christine Boutin la soutenaient également, tout comme Philippe de Villiers (qui a prononcé le discours de clôture), et de façon plus inédite, Sens Commun, composante des Républicains.

M. Le Méné a demandé aux candidats à la présidentielle « une politique de santé publique qui lutte contre les IVG » (interruptions volontaires de grossesse) et une politique « d’accompagnement des femmes enceintes ».

Fillon, « du bla-bla politique pour récupérer des voix »

Les propos de François Fillon, qui s’est déclaré « à titre personnel » hostile à l’avortement, avant d’affirmer qu’il ne reviendrait pas sur ce « droit », n’ont évidemment échappé à personne. Mais certains sont sceptiques : « C’est du bla-bla politique pour récupérer des voix », dit Myriam, 29 ans. « Il ne fera pas de réforme, je n’y crois pas, renchérit Isabelle, la cinquantaine. Mais je suis frappée par le nombre de jeunes autour de nous. Pour nous, l’espoir est là. »

Cette année, des organisations récentes, comme les Survivants, les Eveilleurs de conscience, ou l’Avant-Garde, le parti présidé par Charles Millon, ont rejoint les organisateurs traditionnels de la marche, la fondation Lejeune, Choisir la vie, et Renaissance catholique.

Dans la foule, il n’était pas rare d’apercevoir une soutane ou le voile d’une religieuse. En fin de cortège, des « notre père » et « je vous salue Marie » retentissaient. Les participants revendiquaient leur foi. « J’ai été élevée dans le respect de la vie, relève Myriam. Le principe de base est que nous dépendons d’un créateur et que la vie ne peut pas dépendre de mon choix. »

« Je ne veux pas qu’on tue les bébés ni les personnes âgées, affirme Germaine, une ex-infirmière de 73 ans. En quarante-deux ans de métier, jamais personne ne m’a dit “je veux mourir”. La vie doit être protégée du début à la fin, quand Jésus en aura décidé. » « Toute vie mérite d’être vécue, dit Maylis, 25 ans. Si la mère ne peut pas garder son enfant, elle peut le faire adopter. Aujourd’hui beaucoup de gens vont chercher des enfants à l’étranger. »

« Les féministes privilégient la femme. Nous, l’enfant »

Les manifestants ne revendiquent pas ouvertement l’abrogation de la loi Veil. « Je ne suis pas sûre que ce soit possible maintenant, l’objectif est trop ambitieux, affirme Clothilde, 18 ans. Mais il faut au moins en diminuer le nombre. Les féministes privilégient la femme. Nous, l’enfant. » « Et aussi la femme, car l’avortement laisse des séquelles physiques et psychologiques », intervient Philippine, 21 ans.

Comment limiter le nombre d’IVG ? Par l’abstinence sexuelle et les méthodes naturelles de contraception, avancent les manifestants. Et en offrant des « alternatives », notamment grâce à davantage de soutien économique. Maylis est favorable au déremboursement de l’IVG, qui « ferait réfléchir ».

Les manifestants reprochent à la gauche de nombreuses mesures : remboursement à 100 % de l’IVG et des actes qui lui sont liés, suppression du délai de réflexion entre les deux premiers rendez-vous médicaux, et création d’un délit d’entrave numérique à l’IVG.

Ce dernier, qui doit être examiné par une commission mixte paritaire de députés et de sénateurs, mardi 24 janvier, est particulièrement cité par les plus jeunes. Le gouvernement veut lutter contre les sites Internet qui ne s’affichent pas ouvertement comme antiavortement, mais dissuadent les femmes de recourir à l’IVG en les culpabilisant.

« Ils veulent empêcher l’expression d’une opinion contraire à celle du gouvernement », s’insurge Agathe, 23 ans. Son ami Charles, du même âge, espère que le futur gouvernement remettra au moins en cause « l’emprise sociale de la gauche » sur le sujet.