Kisenosato, à gauche, le 22 janvier. | JIJI PRESS / AFP

« Yokozuna, c’est une lourde responsabilité ». Du haut de son mètre 87 pour 175 kilos, le rikishi ou « lutteur de sumo » Kisenosato savoure. Il s’apprête à accéder au sommet de cette lutte japonaise, populaire et traditionnelle. Yokozuna (« grand champion ») en est le rang suprême, un honneur et non plus un simple grade, dont il est impossible d’être déchu.

Lundi 23 janvier, au lendemain de la victoire de Kisenosato au tournoi de Tokyo et selon un protocole bien réglé, la section des arbitres de la fédération de sumo a sollicité son président Nobuyuki Hakkaku, pour qu’il demande au conseil de délibération des yokozuna de décider si Kisenosato méritait cette promotion.

31 tournois pour atteindre le Graal

Considérant son remarquable parcours lors des six tournois de 2016 et de sa victoire probante à celui de ce début d’année, le conseil a répondu oui à l’unanimité. La décision devrait être officialisée mercredi et confirmée lors de l’établissement du banzuke, le classement pour le prochain tournoi. Il deviendra alors le 72e yokozuna. Le premier fut Akashi (1600-1649).

Né le 3 juillet 1986 dans la préfecture d’Ibaraki (nord-est du Japon) et membre de l’écurie Tagonoura installée dans l’arrondissement d’Edogawa, à Tokyo, Kisenosato a commencé sa carrière professionnelle en 2002. Il a atteint en 2004 le makuuchi, l’élite du sumo. Agé de 18 ans et 4 mois, il devenait alors le deuxième plus jeune à ce niveau. Il a souvent été salué pour sa combativité.

Ayant décroché en 2011 le grade d’ozeki (« champion »), le plus élevé avant yokozuna, il a peiné pour franchir l’ultime étape, faisant de bons tournois, dominant les meilleurs, sans jamais se montrer décisif dans les rencontres décisives, ce qui le privait des victoires finales. Il lui aura fallu 31 tournois, ce qui est long, pour devenir yokozuna.

« Etre “yokozuna”, c’est être seul »

Devant la presse, après l’annonce de sa possible promotion, Kisenosato a évoqué son maître, Takanosato, le 59e yokozuna. « Il avait l’habitude de dire qu’être yokozuna, c’est être seul, a rappelé le rikishi. Je vais tâcher de comprendre le sens de cette formule. »

Les Japonais, eux, sont ravis. Le dernier yokozuna nippon était le 66e, Wakanohana, élevé à cet honneur en 1998 mais retraité en 2000. Entre les deux, il y eut le Samoan Musashimaru et quatre Mongols, Asashoryu qui est retraité, Hakuho qui détient le record de victoires en tournoi, Harumafuji et Kakuryu.

La multiplication depuis une vingtaine d’années des étrangers dans les écuries – en partie pour compenser le désintérêt des jeunes Nippons pour le sumo – et leur écrasante domination de cette pratique très liée au culte shinto – la religion première du Japon – ont suscité des critiques et une certaine désaffection du public. Le désamour a été exacerbé par plusieurs scandales en 2010 et 2011 de rencontres truquées et de paris impliquant plusieurs lutteurs, le tout sur fond de liens avec la pègre.

La victoire au tournoi de janvier 2016 de Kotoshogiku, premier succès d’un Japonais depuis 2006, avait suscité un véritable engouement, signe d’un renouveau. L’avènement d’un yokozuna nippon pourrait confirmer le retour du public dans les travées longeant le dohyo, le ring des sumos.