Benoît Hamon, devant sa permanence de député à Trappes (Yvelines), pendant le premier tour de la primaire à gauche, le 22 janvier. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Ce n’est pas toujours gage de succès mais c’est en général bon signe. Benoît Hamon, arrivé en tête du premier tour de la primaire à gauche, a réussi ces dernières semaines à donner le tempo idéologique de la campagne et à attirer les autres candidats sur son terrain. Les principales controverses se sont déroulées sur les thèmes portés par le député des Yvelines et sur les propositions contenues dans son programme. A commencer par la question du revenu universel d’existence, mesure phare de son projet et idée la plus en vue de la campagne.

Pas un débat télévisé sans un quart d’heure consacré à cette proposition de réforme. L’ex-ministre de l’éducation, qui suggère que ce revenu minimum soit étendu à terme à l’ensemble de la population et atteigne 750 euros mensuels, a essuyé à chaque fois les critiques sur le coût exorbitant de la mesure, estimé entre 300 et 400 milliards d’euros. Mais, en l’attaquant à chaque fois frontalement, ses adversaires ont participé à sa popularisation.

Travail et environnement

A travers sa proposition, c’est la question du rapport de la gauche au travail que le candidat a imposée dans le débat. Un thème qui lui a permis de se singulariser, en théorisant la raréfaction du travail, dans un contexte de croissance en berne, là où les autres ont défendu leur objectif du retour à une société du plein-emploi. Quand les autres prônaient le statu quo, ou le retour des heures défiscalisées pour Manuel Valls, Benoît Hamon vantait, lui, les mérites d’une réduction du temps de travail sous les 35 heures, à travers des incitations fiscales. Dans la même veine, il a promis l’abrogation de la loi El Khomri – à l’instar d’Arnaud Montebourg – et la restauration de la hiérarchie des normes. Dans une gauche secouée par la contestation de cette réforme, le positionnement a manifestement payé.

Benoît Hamon a pu également s’appuyer sur le deuxième point fort de sa candidature : ses propositions concernant l’environnement. « Je ne serai plus jamais socialiste sans être écologiste », a-t-il martelé à de nombreuses reprises sur les plateaux télévisés. Le candidat a préempté la thématique du réchauffement climatique, s’imposant rapidement dans les commentaires comme le plus sincère sur la question et le plus volontariste. Alors que la France a connu des épisodes de pollution d’une rare intensité ces dernières semaines, son discours a porté auprès des électeurs sensibles à ces questions et qui ne se reconnaissent pas forcément dans la candidature de Yannick Jadot pour Europe écologie-Les Verts. M. Hamon propose de sortir du diesel d’ici à 2025, de développer les énergies renouvelables, de mettre en place une fiscalité écologique et s’est prononcé contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Points de désaccords

Avec Manuel Valls, dans l’entre-deux-tours, les points de désaccord devraient être nombreux. Face à la politique de fermeté de l’ancien premier ministre sur la question migratoire, M. Hamon propose par exemple d’accueillir davantage de réfugiés et reprend la vieille promesse jamais tenue du PS d’ouvrir le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Dans le domaine de la sécurité, il se démarque également, proposant la légalisation encadrée du cannabis, en favorisant les peines alternatives à la prison et en prônant le rétablissement de la police de proximité.

La question européenne promet aussi de donner lieu à quelques passes d’armes. Le député des Yvelines suggère en effet la mise en place d’un moratoire sur les règles budgétaires de Bruxelles, ce qui signifie un abandon de l’objectif des 3 % de déficit, cher à l’ancien premier ministre. Le programme de l’ex-ministre de l’éducation ne laisse de toute façon pas présager une baisse de la dépense publique. Il envisage par exemple de recruter 40 000 enseignants supplémentaires.

S’il a réussi jusqu’à présent à faire tourner le débat autour de ses idées, Benoît Hamon va devoir convaincre dans l’entre-deux-tours de la faisabilité de son programme. Il a reçu dès dimanche soir le soutien d’Arnaud Montebourg, mais ce dernier ne s’était pas privé ces dernières semaines de critiquer son concurrent, jugeant que défendre un tel programme face à la droite, c’était « risquer d’être renvoyé dans les poubelles de l’histoire ». Son directeur de campagne, François Kalfon, avait quant à lui évoqué « la gauche Carambar » pour qualifier le projet de M. Hamon. Après avoir remporté la première manche sur les idées, Benoît Hamon s’apprête à disputer une partie beaucoup plus serrée : la bataille de la crédibilité.