Le bâtiment de l’université de Lille 2. | Supporterhéninois (CC0 1.0)

La phrase aurait pu, comme tant d’autres, rester confidentielle dans cet antre que constitue l’amphithéâtre universitaire. Un professeur de droit à l’université Lille 2, face à un micro qui ne fonctionne pas, le 17 janvier, secoue l’engin sur son bureau avant de lâcher : « C’est comme les femmes, faut taper dessus deux fois pour qu’elles comprennent. » Des propos rapportés sur Twitter par un étudiant qui assiste à ce cours d’histoire sur les idées politiques :

Un petit groupe, scandalisé, dont ce jeune homme, quitte alors l’amphi qui compte plus de 400 étudiants en première année de licence en administration économique et sociale (AES) et en science politique. « Indigné et totalement choqué, mon ami et moi avons décidé de quitter le CM [cours magistral] après moins de trois minutes de cours », écrit-il sur le réseau social.

Des propos qui « banalisent les violences faites aux femmes »

Les réactions s’enchaînent alors. Le lendemain, l’antenne locale de l’UNEF dénonce ces mots qui « banalisent les violences faites aux femmes en, soi-disant, faisant de l’humour », selon son président, Anouar Benichou, sur France Bleu. « Chaque année, ce sont 164 000 femmes qui subissent des violences conjugales et une femme qui meurt de ces violences tous les trois jours », rappelle le syndicat étudiant dans un communiqué, tout en soulignant que ces phrases sexistes ne sont pas un « cas isolé », en référence au Tumblr « Paye ta fac », qui recueille des propos similaires entendus dans l’enceinte universitaire.

Le syndicat étudiant somme la direction de l’établissement lillois de réagir. C’est chose faite le 19 janvier : « Les violences faites aux femmes, véritable fléau de notre société, peuvent aussi prendre la forme de telles outrances verbales que rien ne peut excuser, et encore moins lorsqu’elles émanent d’un enseignant universitaire », condamne la présidence de l’université Lille 2 dans un communiqué.

« Ce n’est pas un sujet sur lequel on peut s’amuser à plaisanter, l’enseignant a manqué de discernement face à un public d’étudiants », juge le président de l’établissement, Xavier Vandendriessche. Une procédure disciplinaire à l’encontre de l’enseignant-chercheur devait être ouverte lundi 23 janvier. L’université va par ailleurs lancer une campagne de sensibilisation sur ces questions, confiée à la mission égalité femmes/hommes.

Soutien à l’enseignant coupable d’une « blague malheureuse »

M. Vandendriessche se dit cependant un peu « effaré » de l’ampleur de la polémique : « Il y a incontestablement un dérapage, d’où cette procédure disciplinaire. Mais il faut rappeler que l’enseignant s’est expliqué et excusé dès le lendemain. Je l’ai reçu, il va s’excuser de nouveau demain [mardi] matin. Il ne voulait aucunement faire une apologie de la violence faite aux femmes, c’était du second degré », rapporte-t-il.

Interrogé par LCI, l’enseignant lillois s’inquiétait d’une réaction « disproportionnée » à ses propos : « J’ai dit ça sur le ton de l’humour noir et de l’ironie, pour dénoncer la bêtise du sexisme. Ça n’aurait jamais dû être pris au premier degré. »

Une pétition a été mise en ligne par des étudiants de l’université pour soutenir ce « bon enseignant qui a fait une blague, certes malheureuse, mais qui n’avait pas pour but de mettre en cause ce combat [contre les violences faites aux femmes] ». En deux jours, près de 2 700 signatures ont été recueillies.