Bernie Ecclestone, président d’honneur de la FOG depuis le 24 janvier. | MARK THOMPSON / AFP

La formule 1 synonyme de Bernie Ecclestone, Bernie Ecclestone synonyme de F1, c’est fini. Le dirigeant historique a été remplacé lundi 23 janvier par Chase Carey, nouveau président-directeur général de Formula One Group (FOG), ex-Formula One Management (FOM), a annoncé Liberty Media, son propriétaire depuis le 17 janvier. Seul M. Carey gère désormais la discipline reine du sport automobile.

La nouvelle devait être officialisée mardi. Mais M. Ecclestone, 86 ans, a voulu une dernière fois prendre la main, et a annoncé la veille dans le magazine allemand Auto Motor und Sport : « J’ai été remercié aujourd’hui (…). C’est officiel. Je ne suis plus le patron de l’entreprise, mon poste appartient désormais à Chase Carey. Ma nouvelle position, c’est président d’honneur. C’est ce que je suis désormais, même si je ne sais pas trop ce que ça signifie. »

Pris de court

L’octogénaire millionnaire a visiblement été pris de court. Il est vrai que les événements se sont précipités. Il y a cinq jours à peine, les actionnaires de Liberty Media – du groupe du milliardaire John Malone – approuvaient le rachat de la formule 1 au fonds d’investissement CVC Capital Partners, qui la contrôlait par l’intermédiaire d’une holding appelée Delta Topco en collaboration avec M. Ecclestone, pour 8 milliards de dollars. A ce moment-là, mardi 17 janvier, M. Ecclestone devait passer la main « progressivement, sur trois ans ». Il était même alors suggéré que son expérience permettrait d’aider à renégocier la répartition des droits entre les écuries, qui arrive à son terme en 2020.

Le nouveau patron de la F1, Chase Carey, PDG de Formula One Group o(FOG), ici avant le dernier Grand Prix des Etats-Unis, à Austin le 23 octobre 2016. | Mark Thompson / AFP

Mieux, quand le 7 septembre 2016 Liberty Media annonce pour la première fois son intention de prendre le contrôle de Formula One, en acquérant une participation de 18,7 % qui doit progressivement être portée à 100 % de la holding Delta Topco, M. Ecclestone reste président-directeur général et salue « l’arrivée de Liberty Media et de Chase Carey [comme président] au sein de Formula One ». « Je vais rester à mon poste. Je vais continuer à faire tout ce que je faisais avant, comme négocier avec les circuits, les chaînes de télévision et les gens comme ça », affirmait M. Ecclestone sur le site britannique Autosport.

Aujourd’hui, le communiqué du groupe américain précise que M. Ecclestone restera au sein de l’organisation en tant que « président d’honneur » mais n’en assumera plus la gestion effective.

De pilote-essayeur au coup du siècle

En quatre décennies passées dans les paddocks du monde entier, il a accumulé les surnoms, de « Mister E » au « grand argentier de la formule 1 ». Ancien vendeur de voitures, pilote de F3 puis pilote-essayeur de F1, manageur de pilotes, Bernard Charles Ecclestone effectue sa véritable entrée en F1 lorsqu’il rachète l’écurie Brabham, en 1972, avec laquelle Nelson Piquet devient champion du monde des pilotes en 1981 et en 1983.

M. Ecclestone se révèle surtout en homme d’affaires en créant la Formula One Constructors’ Association (FOCA), l’association des constructeurs, dans le seul but de casser l’hégémonie de la Fédération internationale du sport automobile (FISA) sur les droits commerciaux. Les premiers accords de répartition, les accords Concorde, sont signés en 1981. Le gros coup suivant date de 1995, lorsque la FOM, dirigée par « Bernie », obtient la gestion exclusive des droits commerciaux, en échange d’une redistribution annuelle.

Mais c’est à l’orée du nouveau millénaire que le grand manitou de la F1 réalise le coup du siècle, dans tous les sens du terme. En 2000, il obtient, auprès de son grand ami et patron de la FIA, ex-FISA, Max Mosley, le prolongement de cette exclusivité sur les droits commerciaux pour… un siècle !

La F1 perd son public

La réussite financière de M. Ecclestone est indiscutable, la formule 1 étant un des sports les plus regardés au monde. Elle concernait, en 2016, « 5 continents, 21 pays, 21 courses, 400 millions de fans », soit « une population très intéressante pour les sponsors et les annonceurs », se félicitait à la mi-janvier Gregory Maffei, directeur exécutif de Liberty Media, lors d’une conférence avec les analystes financiers.

La F1 perd néanmoins de plus en plus de spectateurs et de téléspectateurs. En cause, l’argent, justement, exigé par M. Ecclestone, tant auprès des circuits qui accueillent les Grands Prix qu’auprès des groupes de médias pour payer les droits de retransmission. Privilégier, pas uniquement en France, les chaînes payantes au détriment des chaînes publiques coupe petit à petit la F1 de son public populaire.

En France, Canal+ a ainsi acquis les droits de diffusion de la formule 1 en 2013, pour une trentaine de millions d’euros, alors que TF1 était le diffuseur historique depuis 1992. En novembre 2015, la chaîne cryptée a préféré ne pas attendre la fin de la saison pour prolonger son contrat de deux ans, sans le renégocier. Cette manœuvre lui a évité une mise en concurrence avec d’autres candidats, et en particulier avec BeIN Sports, son rival.

« Mes journées au bureau vont être plus calmes »

Le fait que ce soit un groupe de médias qui soit désormais propriétaire du championnat phare du sport automobile pourrait en cela sembler rassurant.

« Je suis très heureux que l’entreprise ait été acquise par Liberty et qu’elle ait l’intention d’investir dans l’avenir de la F1. Je suis persuadé que Chase va exécuter son rôle d’une manière profitable au sport », dit M. Ecclestone dans le communiqué de Liberty Media rendu public mardi.

Ross Brawn, ex-Mercedes, est nommé le 24 janvier directeur général des sports mécaniques au sein du FOG. | JOHN THYS / AFP

« Mes journées au bureau vont être plus calmes, maintenant. Peut-être que j’assisterai à un Grand Prix quelque part, plus tard. J’ai encore beaucoup d’amis en F1, et j’ai assez d’argent pour me permettre d’assister à une course », conclut M. Ecclestone. Peut-être sera-ce à Melbourne, le 26 mars, pour le Grand Prix inaugural du championnat.