A Astana, le 23 janvier 2017. | MUKHTAR KHOLDORBEKOV / REUTERS

Editorial du « Monde ». Quoi qu’on pense de l’intervention russe en Syrie et des bombardements meurtriers s’apparentant à des « crimes de guerre » qui ont permis aux forces du régime de Damas de reprendre le contrôle de la partie orientale de la ville d’Alep, en décembre, il faut saluer les pourparlers d’Astana. Cette réunion dans la capitale kazakhe, convoquée par la Russie et la Turquie, avec le soutien de l’Iran, est le prélude à la relance d’un processus de paix qui n’a, à ce jour, débouché sur aucune avancée malgré trois tentatives à Genève.

L’objectif affiché des négociations d’Astana était de consolider le cessez-le-feu, décrété le 30 décembre et violé à plusieurs reprises de part et d’autre, et de permettre un accès des aides humanitaires aux zones assiégées. Pour ce faire, Moscou a changé sa rhétorique par rapport aux derniers mois. Alors que l’ensemble des rebelles étaient qualifiés, il y a encore peu, de « terroristes » par les diplomates russes, ces derniers ont invité une douzaine de chefs de groupes armés qualifiés de modérés, dont ceux de Jaich Al-Islam et de Fatah Al-Cham, deux importants groupes salafistes nettement plus radicaux que l’Armée syrienne libre (ASL), afin d’assurer le succès des pourparlers d’Astana.

Plus étonnant encore, Moscou a imposé à son allié syrien de s’asseoir à la même table que les chefs rebelles lors de la cérémonie d’ouverture des discussions, lundi 23 janvier. Une première depuis le début du conflit en Syrie. Le régime de Bachar Al-Assad n’a que moyennement apprécié, et son représentant a persisté à traiter de « terroristes » les chefs rebelles invités par la Russie et la Turquie.

Si le processus engagé à Astana a quelque chance d’aboutir, c’est parce que ses principaux parrains ont de véritables moyens de pression sur les parties syriennes. Moscou n’a de cesse de rappeler à Damas que, avant son intervention en septembre 2015, le régime était à deux doigts de craquer militairement face aux rebelles. Quant à la Turquie, qui dispose désormais d’une zone de sécurité en Syrie avec l’assentiment russe, elle seule est en mesure d’assurer l’approvisionnement en armes de la rébellion, comme l’a prouvé la chute accélérée d’Alep-Est, qui n’aurait jamais pu avoir lieu sans le soutien tacite d’Ankara.

Cependant, des dissensions se font jour dans le trio Moscou-Ankara-Téhéran. L’Iran, qui trouve que la Russie fait trop de cadeaux à son nouvel allié turc, pousse aussi Bachar Al-Assad à camper sur ses positions intransigeantes, tant du point de vue militaire que sur le plan politique. Alors que Moscou veut chercher une sortie par le haut de son aventure syrienne, Damas cherche à entraîner son partenaire dans une libération de l’ensemble du territoire, dont le coût risquerait d’être exorbitant. Après Astana, où l’agenda a été dominé par les questions militaires, la tâche s’annonce encore plus difficile à Genève, où il devrait être question, en février, d’un partage du pouvoir et de la transition politique dont le régime syrien ne veut à aucun prix.

Les Occidentaux et les pays arabes, qui ont été écartés sans ménagement de la réunion d’Astana, où ils n’ont eu droit qu’à un strapontin, doivent désormais soutenir Moscou dans son entreprise diplomatique, qui s’est révélée, pour le moment, moins univoque et brutale que son intervention militaire. Il faut surmonter les divisions du passé et empêcher que le régime syrien ne sabote, une fois de plus, toute chance de règlement du conflit en montant les uns contre les autres comme il a coutume de le faire.