La direction du groupe Vivarte a annoncé un nouveau plan de restructuration lundi 23 janvier, qui passera par deux nouveaux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour La Halle aux chaussures et Vivarte Services | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Dure semaine pour les 16 000 salariés de Vivarte. Lundi 23 janvier, la direction a annoncé, lors d’un comité de groupe, une énième restructuration, qui passera par deux nouveaux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour La Halle aux chaussures et Vivarte Services, ainsi que des cessions d’enseignes.

Le plan d’action présenté par le PDG, Patrick Puy, prévoit la fusion des sièges de La Halle aux vêtements et de La Halle aux chaussures, la réorganisation de Vivarte Services (les fonctions supports du groupe), la rationalisation des points de vente et la recherche de repreneurs pour d’autres enseignes…

Mardi 24 janvier, des précisions devaient être apportées lors des comités centraux d’entreprise pour les deux Halles, les fonctions supports et aussi André, dont les représentants du personnel rencontraient la direction du groupe à 10 heures.

L’emblématique chausseur risque gros. Une cession de l’enseigne (750 salariés) pourrait être annoncée. Vendredi 20 janvier déjà, les rumeurs allaient bon train sur le nom d’un éventuel repreneur. Le nom de Christopher Descours circulait. A la tête du groupe EPI, le propriétaire de J. M. Weston et Bonpoint n’est autre que le petit-fils de Jean-Louis Descours, président d’André de 1960 à 1996.

2 000 postes supplémentaires supprimés ?

Les différents comités convoqués sur trois jours, cette semaine, doivent clarifier le nombre de fermetures de magasins La Halle aux chaussures (les 680 boutiques emploient 3 900 salariés) et donner des informations sur les repreneurs de Kookaï, Chevignon et Pataugas, mis en vente en 2016. Le nombre de postes touchés par la restructuration devrait être annoncé mardi 24 et mercredi 25 janvier. La CFDT craint la suppression de 2 000 postes supplémentaires.

Si un PSE avec une phase de départs volontaires a bien été annoncé lundi pour La Halle aux chaussures, la cession confirmée, en novembre 2016, de 132 magasins pourrait être revue à la hausse. Les syndicats les plus optimistes parlaient de 150 magasins et les plus pessimistes de 200. Quel que soit le nombre, l’avenir des boutiques cédées reste flou… « Seulement dix-huit auraient suscité un intérêt de la part de potentiels repreneurs, mais sans aucun engagement à ce jour », souligne Karim Cheboub, de la CGT.

L’annonce du rapprochement des deux Halles était attendue, mais La Halle aux vêtements (480 magasins et 4 100 salariés) reste sous le choc :

« Après la perte de 250 magasins et de 1 500 salariés en 2015 et en 2016, on ne pensait pas que les nouvelles annonces concerneraient cette enseigne », poursuit M. Cheboub.

La fusion des deux sièges pourrait réduire de moitié le nombre de salariés, selon les syndicats, qui ont présenté, lundi, un plan d’action alternatif à celui de la direction.

Que restera-t-il du groupe Vivarte (16 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros), au terme des décisions communiquées cette semaine ? Une Halle unique amaigrie, un groupe recentré autour des marques Minelli, San Marina, Besson, Naf Naf et Caroll. Pas si simple…

La nomination de Sandrine Lilienfeld à la tête de l’enseigne Caroll interroge aussi les observateurs. Le retour dans le groupe de l’ancienne présidente de Naf Naf, passée chez Gérard Darel (placé en redressement judiciaire en 2015), fait planer le doute sur les intentions de la direction en ce qui concerne l’une de ses seules enseignes à avoir réussi à rajeunir son image et son offre pour attirer une nouvelle clientèle de quadras.

Dette de 1,3 milliard d’euros

Même si l’intersyndicale veut profiter jusqu’au bout de la période électorale, la position du gouvernement est claire. Oui, le groupe a touché 44 millions d’euros de l’Etat depuis 2014, dont 14 millions en 2016, au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mais Christophe Sirugue, secrétaire d’Etat chargé de l’industrie auprès du ministre de l’économie, a encore rappelé sa position à l’Assemblée nationale il y a quinze jours.

Il n’est pas question pour Bercy d’accompagner des entreprises dont les cessions de marques ou de magasins servent uniquement à rembourser les créanciers. D’autant plus quand ces anciens créanciers sont devenus actionnaires, comme c’est le cas pour le groupe Vivarte.

Toute tentative de renégocier une nouvelle fois la dette semble, pour le moment, extrêmement compliquée pour la direction du groupe.

En 2014, Oaktree, Alcentra, Babson et GLG ont accepté de faire une croix sur 2 milliards d’euros de créances en échange de leur montée au capital du groupe français. Ces actionnaires, qui occupent six des neuf sièges au conseil d’administration, ont plutôt intérêt à se rembourser rapidement, ce qui n’est pas exactement le cas des fonds Hayfin ou Anchorage, qui ont apporté 500 millions d’euros de nouvelle dette à Vivarte. Les deux camps ne sont pas sur la même longueur d’onde, et toute tentative de renégocier une nouvelle fois la dette semble, pour le moment, extrêmement compliquée pour la direction du groupe.

Erreurs stratégiques en série

A cette dette de 1,3 milliard d’euros, qui empêche le groupe de réaliser les investissements industriels et commerciaux nécessaires, s’ajoutent d’autres handicaps, qui affectent Vivarte depuis 2007, date à laquelle PAI Partners a vendu sa participation dans l’entreprise à Chaterhouse pour… 3,2 milliards d’euros.

Le management a multiplié les erreurs stratégiques : le virage du numérique n’a pas été pris à temps, la montée en gamme de La Halle, en termes de produits et de prix, a éloigné la clientèle de l’enseigne… Sans parler de la succession de cinq dirigeants en quatre ans, qui n’a pas favorisé l’émergence d’une vision à long terme capable de repositionner Vivarte face à la concurrence de H&M, Inditex ou Primark, et de moderniser les magasins.

Le tout intervient dans un contexte morose pour l’ensemble du commerce du textile et de habillement en France, des grands magasins aux chaînes traditionnelles. Vivarte n’est pas un cas à part et, malgré les – 70 % qu’affichent actuellement les vitrines La Halle, le manque d’activité en magasin est flagrant.

Les chiffres clés

16 000

C’est le nombre de salariés avant le nouveau plan de restructuration, dont les modalités seront précisées d’ici à mercredi. La CFDT craint 2 000 suppressions de postes.

2,2 milliards d’euros

C’est le chiffre d’affaires réalisé en 2015-2016 (exercice clos en août), en baisse de 8 % par rapport à l’exercice précédent.

1,3 milliard d’euros

C’est le montant de la dette. Son remboursement empêche le groupe…