Le PDG d’Etihad, James Hogan, en 2015. | ANDREAS SOLARO / AFP

La mauvaise passe traversée par Etihad aura eu raison de la direction de la compagnie aérienne d’Abou Dhabi. Le PDG, James Hogan, et son directeur financier, James Rigney, ont été débarqués. Le conseil d’administration d’Etihad a annoncé, mardi 24 janvier, les prochains départs des deux dirigeants. MM. Hogan et Rigney devraient avoir quitté leurs postes à l’issue du premier semestre. Pour l’heure, les actionnaires seraient toujours à la recherche d’un successeur à James Hogan.

Ces deux évictions ne sont pas vraiment une surprise. Elles sont la conséquence de la grave crise que connaît la compagnie aérienne. Etihad admet qu’elle réfléchissait à baisser ses effectifs. Un plan de licenciements drastique serait en préparation. Entre 1 000 et 3 000 postes pourraient être supprimés. En pratique, jusqu’à 10 % des salariés pourraient être mis à la porte. La compagnie d’Abou Dhabi paie les pots cassés de la stratégie développée ces dernières années par son PDG, James Hogan. Cette toute jeune compagnie crééeen 2003 a tenté de rattraper à marche forcée ses deux grandes rivales du Golfe, Emirates et Qatar Airways.

Un plan de licenciements drastique serait en préparation. Entre 1 000 et 3 000 postes pourraient être supprimés

Pour se faire rapidement une place au soleil, Etihad a choisi depuis 2011 de sortir le carnet de chèques. Comme ses deux rivales, elle a fait croître sa flotte à grand renfort de commandes géantes auprès de Boeing et d’Airbus. En six ans, elle est aussi entrée au capital de pas moins de huit compagnies aériennes. Coup sur coup, Air Berlin, Air Seychelles, Virgin Australia, Aer Lingus, Jet Airways, Air Serbia, Darwin Airlines et Alitalia sont tombées dans son escarcelle. Une politique dispendieuse de rachats effrénés qui n’a pas connu, pour l’instant, le succès escompté.

Avenir très sombre

Au contraire ! La reprise d’Alitalia paraît même tourner au fiasco. La compagnie italienne, qui vient de rompre son alliance historique avec Air France, n’a pas trouvé de stratégie de rechange pour se relancer. De nouvelles coupes dans ses effectifs sont encore à redouter d’autant plus qu’Alitalia, qui a pourtant été renflouée à hauteur de 1,8 milliard d’euros en 2014, continue d’accumuler les pertes. Pas loin d’un million d’euros par jour.

Air Berlin, l’autre grosse acquisition d’Etihad en Europe, bat aussi de l’aile. Au point que, ces dernières semaines, des rumeurs évoquaient la possibilité d’un rapprochement entre Etihad et Lufthansa avec Air Berlindans la corbeille de mariés. Une manière pour Etihad de se débarrasser d’un puits de pertes.

A l’examen, ces multiples investissements hasardeux sont tombés au plus mauvais moment. Quand le prix du baril a commencé de piquer du nez, réduisant d’autant les revenus des pétromonarchies comme celles d’Abou Dhabi ou du Qatar. L’avenir pourrait être très sombre pour Etihad et sa flottille de compagnies vassales.

L’émirat n’a plus les poches aussi profondes

Désormais, l’émirat n’a plus les poches aussi profondes qu’auparavant pour la remettre à flot. Cette mauvaise passe devrait conduire la compagnie à revoir sa volonté de se développer en solitaire. A l’écart des trois grandes alliances que sont SkyTeam, Oneworld et Star Alliance. Une erreur stratégique comme en témoigne le partenariat d’Air France-KLM avec l’américaine Delta Air Lines sur l’Atlantique Nord, qui fait la fortune des deux associées.

Enfin, les déboires d’Alitalia ne pouvaient pas tomber plus mal. Car les compagnies américaines, en plein redressement, n’ont pas l’intention de se laisser tailler des croupières sans réagir par les Emirates, Etihad, et autres Qatar Airways. Elles ne veulent pas perdre des parts de marché comme les compagnies européennes avant elles.

En 2015, American Airlines, United et Delta ont accusé les « trois sœurs » du Golfe de « concurrence déloyale ». Selon leur enquête, Qatar Airways, Etihad et Emirates ont bénéficié de plus de 42 milliards de dollars (39 milliards d’euros) de subventions en dix ans. Pis, selon l’étude des compagnies américaines, c’est Etihad qui aurait été la mieux dotée, avec plus de 18 milliards de dollars d’aides diverses. Les trois sœurs auraient notamment bénéficié d’avances non remboursables, de prêts aux intérêts jamais versés, d’allégements de charges ou de frais d’infrastructures non réclamés.