Le François Fillon candidat à l’élection présidentielle a de plus en plus de mal à suivre le programme « sérieux et solide » du François Fillon candidat à la primaire de la droite. Ce dernier, présentant en septembre 2016 son programme économique, s’était distingué de ses concurrents en prévoyant ni plus ni moins un déficit des finances publiques de 4,7 % du produit intérieur brut (PIB), en 2017, et de 4,5 %, en 2018, qu’il se faisait fort de ramener à l’équilibre en 2022. Pour rappel, la loi de finances pour 2017 prévoit un déficit de 2,7 %, même si le Haut Conseil des finances publiques a jugé cet objectif « improbable ».

Il n’empêche : deux points d’écart, soit globalement un creusement des déficits de 45 milliards d’euros, c’est plus qu’une entorse aux engagements contractés par la France envers ses partenaires européens et approuvés par la Commission européenne. Mais le Fillon candidat à la primaire n’en avait cure. Il en imputait la responsabilité à l’« héritage » et aux « bombes à retardement » laissés par l’actuel gouvernement.

C’était aussi et surtout le prix à payer, quand bien même il s’engageait à réaliser 100 milliards d’euros d’économies sur cinq ans, pour absorber les 50 milliards de baisse des charges (40 milliards pour les entreprises et 10 milliards pour les ménages) qu’il envisage de réaliser dès le début du quinquennat. Et il se faisait fort, une fois élu, d’aller défendre ce choix auprès des partenaires européens. Un choix que l’entourage de M. Fillon avait bien du mal à assumer. « A aucun moment je n’ai trempé dans l’évaluation du 4,7 %, je ne sais pas d’où elle vient », reconnaît Gilles Carrez, le président (LR) de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Prévisions budgétaires tenues

Alors que le Fillon candidat à la présidentielle effectuait, lundi 23 janvier, un déplacement à Berlin, où il a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel, il a mis de l’eau dans son vin. Dans un entretien accordé conjointement au Monde et à la Frankfurter Allgemeine Zeitung, tout en accusant le gouvernement socialiste de laisser une situation des finances publiques « dégradée », il évaluait cette fois le déficit 2017 à « 3,5 % ou 3,6 % du PIB ». « Nous savons aussi qu’un volume important de dépenses non financées ne prendra effet qu’en 2018. Mon objectif est de corriger cela et d’être aussi proche que possible de 3 % en 2018 », ajoutait-il.

Que M. Fillon le veuille ou non, il s’agit bien d’une révision de la trajectoire des finances publiques qu’il avait prévue. Il est vrai qu’entre-temps les résultats de l’exécution du budget de l’Etat, publiés le 17 janvier, ont montré que les prévisions budgétaires avaient été tenues en 2016, qu’il n’y avait pas eu ce « dérapage » des dépenses publiques que l’opposition n’a cessé de dénoncer tout au long de l’année. La droite, sur ce point, a dû remiser ses arguments. Reste, effectivement, à évaluer l’impact des mesures qui pèseront sur le budget de l’Etat en 2018, que M. Carrez chiffre à 12 milliards d’euros.

A l’issue de sa rencontre avec Mme Merkel, sans s’attarder sur ce changement de pied, il est revenu devant la presse sur l’entretien qu’il avait eu avec la chancelière. « Ce que j’ai dit à Mme Merkel, c’est que les réformes structurelles, elles seraient faites dans les trois mois qui suivront l’élection présidentielle et que, l’objectif que je me suis fixé, c’est justement d’arriver à l’équilibre des comptes publics en 2022, a-t-il expliqué. On est sur une trajectoire qui est parfaitement compatible avec les objectifs allemands. »

« Pour le gardien que je suis, avec mes faibles moyens, d’une rigueur de gestion des finances publiques, ça me fait plaisir », avoue M. Carrez, qui était également du voyage à Berlin. Reste à savoir, dans ces conditions, comment le Fillon candidat à la présidentielle va désormais financer, sans creuser davantage le déficit, les 50 milliards de baisse des charges promis par le Fillon candidat à la primaire. A moins que cette promesse ne fasse elle aussi l’objet d’une prochaine révision.