On connaît enfin la date de l’élection présidentielle somalienne. Ce scrutin très attendu, déjà reporté à de multiples reprises et qui aurait dû se tenir à l’été 2016, devrait donc avoir lieu le 8 février, a annoncé, mercredi 25 janvier, la Commission électorale indépendante.

Le processus, soutenu par les Nations unies, prend du temps car le pays ne peut encore organiser un suffrage universel direct. Le chef de l’Etat doit donc être choisi par un Parlement dont les députés et sénateurs ont été élus ou désignés ces derniers mois. Dernière étape avant que la présidentielle puisse se tenir, les députés ont élu le chef du Parlement, mercredi, à Mogadiscio, renouvelant leur confiance au président sortant, Mohamed Osman Jawari.

Retour en cinq questions sur un processus électoral chaotique, entre espoir annoncé et inévitable fiasco.

  • Comment le président sera-t-il élu ?

Selon la Constitution provisoire, le chef de l’Etat doit être désigné par les deux branches du Parlement réunies en congrès. D’un côté, la Chambre du peuple et ses 275 députés élus par un peu plus de 14 000 chefs traditionnels. De l’autre, la Chambre haute, équivalent du Sénat, dont les membres sont désignés par les Etats fédérés du pays.

Au total, moins de 1 % de la population participe donc au scrutin. C’est peu, mais mieux qu’en 2012, où seuls 135 grands électeurs avaient reçu le droit de vote pour désigner les membres de l’Assemblée nationale. Les prétendants à la mandature présidentielle ont jusqu’au 29 janvier pour faire enregistrer leur candidature et un débat devrait ensuite être organisé entre eux.

  • Comment s’est déroulé le scrutin parlementaire ?

Dans un pays où plus d’un million de personnes vit dans des camps de déplacés, où la famine menace et où les attentats sont incessants, organiser des élections générales pacifiques et dans les temps relevait d’un vœu pieux.

Pour l’élection des parlementaires, outre les cafouillages et les retards en tout genre, les observateurs ont relevé des cas systématiques de fraudes et d’intimidation menés par les forces de sécurité. Plusieurs candidats ont ainsi été empêchés de se déplacer, des journalistes ont été attaqués, des rassemblements, interdits.

Le tout s’est déroulé sur fond de corruption colossale, pratiquée à ciel ouvert. Des candidats en campagne étaient prêts à payer plusieurs milliers de dollars pour acheter le vote de chaque chef de clan constituant le corps électoral. L’ONG anti-corruption Marqaati cite ainsi le cas d’un prétendant de la région du Hirshabelle qui n’a pas hésité à débourser la somme 2,3 millions d’euros afin d’être élu. Selon le cercle de réflexion britannique Chatham House, une bonne partie de l’argent aurait été « offert » par les pays du Golfe et la Turquie, soucieux de préserver leurs « intérêts politiques, commerciaux et stratégiques » en Somalie.

Résultat : le scrutin était bien souvent joué d’avance et plus des trois quarts des députés ont été élus avec plus de 84 % des voix, selon Marqaati. Des scores « statistiquement impossibles dans une élection libre et juste », relève l’ONG. Pourtant, seule l’élection de cinq députés a été invalidée par les autorités somaliennes. Un chiffre extraordinairement modeste vu l’ampleur des fraudes.

  • A quoi ressemble la nouvelle Assemblée nationale ?

Le 27 décembre 2016, 283 députés et sénateurs ont prêté serment, inaugurant le dixième Parlement de l’histoire du pays. La main sur le Coran, tous ont juré fidélité à la nation sous les néons d’une salle aseptisée de l’académie de police de Mogadiscio. Un lieu plutôt connu pour ses exécutions de condamnés à mort que pour son rôle démocratique.

Même si une poignée de représentants reste à élire, les médias locaux ont déjà célébré le « Parlement le plus divers de l’histoire » du pays. Dans cette assemblée siégeront côte à côte des travailleurs humanitaires, une créatrice de mode, un ancien chanteur, un ex-réfugié, mais aussi une poignée d’islamistes radicaux et d’anciens seigneurs de guerre ainsi qu’une flopée d’hommes d’affaires à succès « descendus » en politique.

A noter qu’un peu moins d’un quart des députés élus sont des femmes et que plus d’un tiers possède un passeport étranger. Parmi eux, de nombreux Britanniques, Américains, Kényans et Suédois, mais aussi un Franco-Somalien : Mohamed Abdi Mohamed, 62 ans, surnommé « Gandhi », ancien étudiant en géologie à Besançon qui fut ministre de la défense de son pays de février 2009 à novembre 2010.

  • Quelle a été l’attitude des Chabab ?

Les Chabab ont soufflé le chaud et le froid. L’organisation affiliée à Al-Qaida a multiplié les attentats, frappant ces derniers mois tous les secteurs de la société somalienne. Un dernier attentat contre un hôtel, mercredi 25 janvier, a fait 28 morts et des dizaines de blessés à Mogadiscio.

Parallèlement, les djihadistes ont lancé une surprenante opération de communication, acceptant de se laisser filmer en train de parader dans des villes reconquises et de donner plusieurs interviews inédites. Dans un entretien diffusé par le média somalien Dalsoor, un porte-parole des Chabab a ainsi qualifié le scrutin parlementaire de « sélection où des infidèles et leurs pantins choisissent qui ils veulent ».

  • Et qui est favori pour la présidentielle ?

Il y a des dizaines de candidats déclarés, plus ou moins sérieux, et difficile de faire le moindre pronostic. Parmi les poids lourds, on trouve le président sortant Hassan Cheikh Mohamoud. Cet ancien enseignant diplômé aux Etats-Unis est aujourd’hui très critiqué, accusé de népotisme, de corruption et d’avoir favorisé son clan, celui des Hawiye.

On compte aussi deux anciens premiers ministres, dont le très influent Mohamed Abdullahi Mohamed, dit « Farmajo », qui a reçu le soutien du nouveau président de l’Assemblée nationale. Notons aussi la candidature de l’ancien chef de l’Etat Charif Cheikh Ahmed, défait en 2012 par M. Mohamoud, et qui prépare depuis sa revanche.

A noter que les candidats issus du Puntland sont nombreux. Cette région semi-autonome est l’une des plus sûrs du pays et ses dirigeants souhaitent exporter leur modèle, à l’image d’Abdirahman Mohamed Farole, ancien chef de la province, qui a annoncé sa candidature.

Enfin, citons la star des réseaux sociaux Fadumo Dayib. Cette ancienne réfugiée, éduquée en Finlande, est la seule femme candidate… mais, sans argent ni réseau clanique, elle n’a quasiment aucune chance de l’emporter.

Qui est Fadumo Dayib, la candidate qui veut « provoquer des changements en Somalie » ?
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