Donald Trump, lors de la primaire républicaine pour l’élection présidentielle américaine, à Las Vegas (Colorado), le 22 février 2016. | Ethan Miller / AFP

Une nouvelle fois la croissance américaine s’est révélée décevante au quatrième trimestre 2016. Le produit intérieur brut (PIB) de la première puissance économique n’a progressé que de 1,9 % en rythme annualisé (0,47 % en rythme réel), selon la première estimation du Département du commerce, publiée vendredi 27 janvier. Il s’agit d’un net ralentissement par rapport au troisième trimestre au cours duquel la croissance était sur un rythme de 3,5 %. Avec une hausse de 1,6 % sur l’ensemble de l’année, l’économie américaine ne fait donc que confirmer la tendance que l’on connaît depuis 2009 : une reprise molle et erratique.

Même s’il faut se méfier de cette première estimation, qui fait souvent l’objet de révisions assez substantielles (une deuxième sera publiée le 28 février), de grandes tendances se dégagent. La principale mauvaise nouvelle vient du commerce extérieur, avec une chute des exportations de 4,3 % et une envolée des importations de 8,3 %. Ce brusque mouvement est essentiellement dû à l’à-coup constaté sur les exportations de soja, qui avaient fortement augmenté au troisième trimestre mais sont retombées trois mois plus tard à un niveau plus normal. Ce coup d’accordéon a coûté 1,7 point de croissance sur les trois derniers mois de l’année.

Ensuite, la consommation des ménages, qui représente plus des deux tiers de l’activité économique américaine, n’a progressé que de 2,5 %, soit 0,5 point de moins par rapport au troisième trimestre. Il s’agit du plus faible rythme de croissance depuis le premier trimestre 2016. Enfin les dépenses de l’Etat fédéral ont reculé de 1,2 %

Le tableau reste globalement mitigé

Du côté des bonnes nouvelles, on peut noter, d’une part la bonne tenue de l’immobilier, avec une progression de 10,2 % de la construction résidentielle et, d’autre part, les stocks des sociétés qui se reconstituent, ajoutant 1 point de pourcentage au PIB. Enfin, les investissements des entreprises sont orientés à la hausse (+ 2,4 %). « On a eu clairement un trou d’air en début d’année avec un ajustement à la baisse sur les stocks des entreprises et une contraction des investissements, mais ces vents contraires sont en train de se dissiper », résume Thomas Julien, économiste chez Natixis à New York.

Pour autant, le tableau reste globalement mitigé. Depuis la fin de la crise financière, la croissance américaine se traîne à un rythme d’à peine 2 %. Jamais une reprise économique n’avait été aussi atone depuis 1949. M. Trump a annoncé qu’il serait capable de doubler ce taux. Un véritable défi dans la mesure où cette cible de 4 % n’a été atteinte qu’à deux reprises au cours des dernières années.

La première fois, c’était au quatrième trimestre 2011, dans un contexte très particulier, qui était celui du contrecoup de la dégradation de la note de la dette américaine. La seconde, au troisième trimestre 2014, avait été marquée par une envolée atypique des dépenses militaires. Mais tout cela ne fait pas une tendance. D’ailleurs, il faut remonter à 2005 pour retrouver une croissance de 3 % sur l’ensemble d’une année. Quant aux fameux 4 % visés par le nouveau président, cela n’est pas arrivé depuis seize ans.

Pour atteindre son objectif, M. Trump a promis qu’il procéderait à une baisse massive des impôts, qu’il lancerait un plan d’investissement dans les infrastructures, tout en dérégulant l’économie, notamment dans le secteur financier et énergétique. Mais, de l’avis général des économistes, ces mesures, quand bien même elles passeraient l’obstacle du Congrès, n’auraient que des effets limités.

La tendance d’un resserrement monétaire paraît inéluctable

Par exemple, selon les projections de la Banque mondiale, les baisses d’impôts n’apporteraient que 0,3 point de pourcentage au PIB en 2017 et 0,8 point en 2018, ce qui aboutirait à une croissance de 2,5 % cette année et de 2,9 % l’année suivante. « Stimuler une économie qui est en situation de plein-emploi est plus susceptible de générer des tensions inflationnistes que de la croissance. De ce point de vue, les retombées seront donc plutôt faibles », confirme M. Julien.

La Commission pour un budget fédéral responsable, une organisation indépendante bipartisane basée à Washington, est encore plus définitive, estimant que les 4 % de croissance sont « presque impossibles à atteindre sur une longue période en l’absence de facteurs transformateurs qui ne dépendent pas du gouvernement ».

Et les facteurs exogènes ne seront pas tous favorables à l’économie américaine. Loin s’en faut. Par exemple, quid du commerce mondial, alors qu’il règne la plus grande incertitude sur les mesures protectionnistes que s’apprête à prendre M. Trump ?

Par ailleurs, la situation de plein-emploi, qui commence à provoquer des frémissements sur les salaires va inciter la Réserve Fédérale (Fed) à accélérer la remontée des taux. « Qui dit resserrement monétaire, dit dollar plus fort », pointe M. Julien, qui prévoit trois hausses de taux cette année. Un facteur qui risque de peser sur les exportations. Même si la Fed ne devrait pas intervenir dès la prochaine réunion du Comité de politique monétaire, les 31 janvier et 1er février, la tendance d’un resserrement monétaire paraît inéluctable, rendant l’objectif de M. Trump encore un peu plus difficile à atteindre.