Le nouveau président américain s’exprime à Philadelphie, le 28 janvier 2017. | PABLO MARTINEZ MONSIVAIS / AP

Le décret, signé par Donald Trump vendredi 27 janvier, et interdisant temporairement l’arrivée de ressortissants de sept pays musulmans, suscite une levée de bouclier. Plusieurs associations de défense des droits civiques américaines, dont la puissante ACLU, ont attaqué samedi en justice le décret du nouveau président américain.

La plainte contre le président Trump et le ministère de la sécurité intérieure a été déposée samedi matin devant un tribunal fédéral de New York par l’American Civil Liberties Union et d’autres associations de défense des droits et des immigrés. Ces dernières exigent notamment la libération de deux citoyens irakiens interpellés vendredi soir à l’aéroport JF Kennedy.

L’un d’eux a travaillé pour le compte des forces américaines en Irak et l’autre est l’époux d’une ancienne sous-traitante des services de sécurité. Les deux hommes qui étaient porteurs de visas en règles ont été interpellés quelques heures après la signature du décret. Les associations demandent à ce qu’ils soient relâchés et qu’ils puissent au moins exercer leur droit à déposer une demande d’asile aux Etats-Unis pour éviter d’être renvoyés en Irak, où ils ont de bonnes raisons de craindre pour leur sécurité.

Elles demandent plus globalement à ce que cette plainte soit considérée comme une action en nom collectif pour toutes les personnes dans le même cas qui pourraient se voir bloquées dans les aéroports.

Une semaine tout juste après s’être installé à la Maison Blanche, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a annoncé vendredi un sérieux tour de vis en matière d’immigration et d’accueil de réfugiés, dans le but déclaré de stopper l’entrée éventuelle sur le territoire américain de « terroristes islamiques radicaux ».

La présidence américaine a publié vendredi soir le décret pris, intitulé « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis ». Les porteurs de permis de séjour appelés « cartes vertes » sont également concernés par le décret, a annoncé une porte-parole du département de la Sécurité intérieure.

Les réfugiés syriens interdits d’entrée

D’après le décret et ses annexes diffusés par la Maison Blanche, les autorités américaines vont interdire pendant trois mois l’arrivée de ressortissants de sept pays musulmans : Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. A l’exception de leurs ressortissants détenteurs de visas diplomatiques et officiels et qui travaillent pour des institutions internationales.

Washington va arrêter aussi pendant quatre mois le programme fédéral d’admission et de réinstallation de réfugiés de pays en guerre, toutes nationalités confondues. Un programme humanitaire ambitieux créé en 1980 et qui n’a été suspendu qu’une seule fois : durant trois mois après le 11-Septembre.

Quant aux réfugiés syriens, qui ont fui par millions le conflit dans leur pays, mais dont seulement 18 000 ont été acceptés aux Etats-Unis depuis 2011, ils seront définitivement interdits d’entrée, jusqu’à nouvel ordre.

Pour l’année budgétaire 2016 (du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016), les Etats-Unis, alors gouvernés par Barack Obama, avaient admis sur leur territoire 84 994 réfugiés du monde entier, parmi lesquels un peu plus de 10 000 Syriens. L’administration Obama s’était donnée pour objectif d’accepter 110 000 réfugiés pour l’année budgétaire 2017. L’administration Trump vise dorénavant « pas plus de 50 000 » réfugiés cette année.

Inquiétudes

Ce texte a provoqué une levée de boucliers chez les démocrates. « Le décret cruel du président Trump sur les réfugiés sape nos valeurs fondamentales et nos traditions, menace notre sécurité nationale et démontre une méconnaissance totale de notre strict processus de vérification, le plus minutieux du monde, a ainsi regretté Ben Cardin, membre de la commission des affaires étrangères du Sénat. Cette politique à courte vue est dangereuse et va nuire à nos alliances et partenariats. »

« Ne nous m’éprenons pas, il s’agit d’interdire les musulmans (« Muslim ban ») », a réagi la démocrate Kamala Harris. Depuis vendredi, le hashtag #muslimban, a été repris massivement par les internautes pour dénoncer le décret de Donald Trump.

L’Iran a décidé samedi d’appliquer la réciprocité après la décision du président américain Donald Trump. « La République islamique d’Iran (...), tout en respectant le peuple américain et pour défendre les droits de ses citoyens, a décidé d’appliquer la réciprocité après la décision insultante des Etats-Unis concernant les ressortissants iraniens et tant que cette mesure n’aura pas été levée », a affirmé le ministère dans un communiqué repris par la télévision.

La jeune Pakistanaise Malala Yousafzai, lauréate 2014 du prix Nobel de la paix, a réagi en déclarant avoir « le cœur brisé de voir l’Amérique tourner le dos à son fier passé d’accueil de réfugiés et de migrants ».

Le Haut-Commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont appelé Donald Trump à maintenir un accueil aux Etats-Unis pour les réfugiés fuyant les guerres et les persécutions. « Les besoins des réfugiés et des migrants à travers le monde n’ont jamais été aussi grands et le programme américain de réinstallation est l’un des plus importants du monde », écrivent les deux ONG dans un communiqué commun.

« L’accueil des réfugiés qui fuient la guerre, ça fait partie de nos devoirs. Nous devons nous organiser pour faire en sorte que ça se passe de façon équitable, juste, solidaire », a dit Jean-Marc Ayrault, le chef de la diplomatie française à l’issue d’un entretien avec son homologue allemand à Paris.

Interrogé spécifiquement sur les restrictions draconiennes décrétées vendredi par M. Trump concernant l’immigration et l’entrée des réfugiés, M. Ayrault, aux côtés de son homologue allemand Sigmar Gabriel, a répondu : « Cette décision ne peut que nous inquiéter. » « Nous prendrons contact avec notre collègue [américain] Rex Tillerson lorsqu’il sera nommé pour discuter point par point et avoir une relation claire », a poursuivi M. Ayrault, précisant qu’il allait inviter son futur homologue à Paris.