Le chiffre n’a rien de rassurant : les incidents impliquant des drones aux abords des aéroports britanniques ont plus que doublé en 2016. Les données proviennent du rapport annuel de l’UK Airprox Board, une organisation qui étudie les risques aériens : de 29 incidents en 2015 à 70 l’année dernière dont 26 au-dessus de Londres. Dix d’entre eux sont classés en catégorie A qui désigne un risque « sérieux ». Alors que la FAA, l’Aviation civile américaine, est déjà montée au créneau, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) se dit préoccupée, elle aussi. Le 19 février 2016, près de Roissy, un Airbus A320 avait dû réaliser une manœuvre d’évitement après avoir aperçu un drone - apparemment de bonne taille - à 1 200 m d’altitude. Récemment, l’un de ses spécialistes évoquait les risques liés à d’éventuels « concours d’altitude en vol » organisés après avoir déprogrammé le plafonnement à 150 mètres de hauteur (la limite légale) que s’imposent les drones vendus dans le commerce. Avec le risque de perdre le contrôle de leur appareil.

Un Airbus A-321 survolant le Danube lors d’un show aérien à Budapest, le 1er mai 2016. | LASZLO BALOGH / REUTERS

DJI monte au créneau

La question n’épargne personne. Cette semaine, les autorités de Hangzhou (capitale de la province Zhejiang, dans le sud de la Chine) ont annoncé avoir procédé à l’arrestation d’un droniste de 23 ans qui avait envoyé son drone filmer de très près et à 450 mètres d’altitude les avions à l’approche de l’aéroport, sur fond de soleil couchant. Le jeune homme n’avait pas été très difficile à retrouver : il avait mis en ligne une vidéo de ses exploits sur un réseau social. L’épisode, monté en épingle par les autorités, a incité DJI, le numéro un mondial des drones et dont un des modèles avait été utilisé à Hangzhou, à « rappeler solennellement aux utilisateurs de drones les sévères conséquences que peut avoir l’utilisation irresponsable » de leur appareil. Et souligner que ses drones sont programmés pour éviter les zones de vol interdites, notamment près des aéroports (une restriction qui peut être levée par l’utilisateur).

Le survol des zones à forte densité et, bien sûr, l’approche des aéroports sont interdits aux drones de loisirs. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Une question de temps ?

Pour les autorités, il ne fait pas de doute qu’une collision entre un avion et un drone n’est qu’une question de temps. On peut certes difficilement envisager le contraire mais il faut aussi considérer la question sous un autre angle. Selon un rapport publié en octobre 2016 par l’EASA, l’agence spatiale européenne, n’ont été officiellement répertoriés jusqu’alors que trois cas de choc avéré entre un drone et un avion. Avec comme conséquences, des dégâts très limités car il s’agissait de modèles grand public, relativement légers, ayant « tapé » des petits avions, pour la plupart. En fait, on ne sait pas très bien ce que pourrait être l’échelle de gravité d’une collision entre un drone du commerce et un avion de ligne. Comme le rappelle The Verge, les autorités anglaises ont lancé des « crash tests » pour en avoir une vision plus claire. A contrario, on sait que les oiseaux représentent un danger parfaitement avéré (255 morts dans des accidents provoqués par des volatiles depuis 1988) et - si l’on en croit un certain nombre d’experts de la sécurité aéronautique - plus important que celui des drones. Une collision avec un drone « ne mettrait pas à terre un A320 » affirmait en mars 2016 à l’Usine Nouvelle Cédric Giromini, directeur du développement de Thiot Ingénierie, société spécialisée dans l’étude des collisions.

Selon l’Aviation civile du Mozambique, les dégâts causés au radome du Boeign 737 de Linhas Aéreas de Moçambique (LAM) n’ont pas été causés par un drone. | Avherald.com

Une menace parfois fantasmée

Bien réelle, la menace est parfois aussi surestimée. La collision qui avait failli avoir lieu, et qui avait ému les autorités anglaises en avril 2016 non loin d’Heathrow pourrait bien avoir impliqué un Airbus et… un sac-poubelle en pleine ascension, avait reconnu le ministre anglais des transports. Plus récemment, les dégâts subis le 5 janvier par la partie avant (radome) d’un appareil d’une compagnie opérant au Mozambique avaient été immédiatement imputés à un drone. L’équipage avait entendu un bruit sourd peu avant l’atterrissage et l’éventualité d’une rencontre avec l’un des drones utilisés par les compagnies minières alentours avait immédiatement été avancée. Quatre jours plus tard, il s’avérait que la déformation du radôme était liée à une brutale dépression provoquée par sa mauvaise fixation et à des fissures anciennes. « Après les Ovnis, on va voir des drones partout », soupire le représentant d’un constructeur. C’est inévitable. Et, peut-être pas plus mal ? Oui mais jusqu’à un certain point.