Theresa May et Donald Trump lors de leur conférence de presse commune, vendredi 27 janvier, à la Maison Blanche. | BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Editorial du « Monde ». L’exercice était périlleux. Première dirigeante étrangère à s’entretenir officiellement avec le président Donald Trump, Theresa May, la chef du gouvernement britannique et maître d’œuvre du Brexit, a marqué quelques points au cours de sa visite à Washington, vendredi 27 janvier, sans pour autant réussir son pari.

Le principal point marqué par Mme May est d’avoir réaffirmé publiquement, devant un président américain qui a déclaré l’OTAN « obsolète », la nécessité de l’Alliance atlantique. Elle a habilement contraint M. Trump à acquiescer lorsque, pendant la brève conférence de presse qu’ils ont tenue ensemble, elle a déclaré que le président américain était « à 100 % derrière l’OTAN ». Rien ne garantit que Donald Trump ne dira pas le contraire lorsque Theresa May aura le dos tourné, pas plus qu’on ne sait ce que ce « 100 % » signifie, concrètement, dans l’esprit du dirigeant américain. Mais, du point de vue de Mme May et des Européens, c’était une précision bienvenue : la rupture politique, économique et commerciale qu’ouvre le vote du Brexit se traite indépendamment du volet sécurité.

La première ministre a également su marquer sa différence sur la Russie et Vladimir Poutine. Dans son discours prononcé, la veille, à Philadelphie, elle a défendu l’héritage de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher en faveur de la liberté et a clairement pris position contre la revendication d’une sphère d’influence formulée par M. Poutine. Devant M. Trump, elle a rappelé l’attachement de Londres et de l’Union européenne (UE) au processus de Minsk pour résoudre le conflit ukrainien, condition posée à la levée des sanctions contre la Russie. Il était difficile, dans ces conditions, au président américain de chanter de nouveau les louanges de M. Poutine, et il s’en est abstenu.

Valeurs de liberté et de tolérance

Theresa May repart bredouille, en revanche, sur le front commercial. C’est toute la difficulté de sa démarche : elle doit montrer que le Royaume-Uni, ayant décidé de se séparer du bloc européen, compensera largement cette perte en nouant, en toute indépendance, des accords de libre-échange bilatéraux plus avantageux ; mais elle ne peut entamer aucune négociation tant que les liens ne sont pas dûment coupés avec l’Union européenne, ce qui doit prendre au moins deux ans. D’ici là, Mme May est condamnée à quémander les bonnes grâces de partenaires commerciaux futurs en faisant bonne figure, comme elle l’a fait avec Donald Trump, et comme elle devait le faire dans la foulée en rendant visite au président turc, Recep Tayyip Erdogan.

Au fond, Theresa May est apparue, face à Donald Trump, comme une incorrigible européenne. Aux côtés d’un président brouillon et provocateur qui professe sa foi dans la torture, insulte ses voisins mexicains et s’offusque de l’audace des journalistes, la dirigeante britannique a affiché les valeurs de liberté et de tolérance. Elle n’a pas non plus intérêt à voir l’UE se disloquer, ce qui apparaît de plus en plus comme un souhait de l’administration Trump. En ce sens, même si ces deux dirigeants, fraîchement portés au pouvoir par une vague électorale insurrectionnelle parallèle, ont besoin l’un de l’autre, la fameuse « relation spéciale », tant idéalisée entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni depuis Churchill, ne paraît pas ici se nouer de manière évidente. Donald Trump est trop imprévisible, et le monde dans lequel lui et Theresa May évoluent trop incertain.