Le mur construit le long de l’autoroute qui conduit au port de Calais. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Jérôme Vignon est président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve lui avait commandé un rapport sur l’après-démantèlement de la « jungle » à Calais. Avec le préfet Jean Aribaud, M. Vignon a remis à la fin d’octobre un travail, qui n’a pas été suivi, ni même rendu public, par Emmanuelle Cosse et Bruno Le Roux.

Vous avez été mandaté en octobre pour penser « l’après-jungle »… Le ministre de l’intérieur d’alors, Bernard Cazeneuve, vous avez demandé d’analyser les besoins en matière d’accueil sur le territoire de la ville de Calais. Vous reconnaissez-vous dans les propositions faites ce matin par Emmanuelle Cosse, la ministre du logement ?

Jérôme Vignon : Notre rapport proposait une autre option que celle choisie par le gouvernement. Nous proposions en effet la mise en place d’une structure d’accueil d’urgence minimaliste sur le territoire de Calais, parce que c’est un lieu de passage depuis des décennies. Ce lieu aurait reçu pour un temps très court ce que nous avons appelé les « flux rémanents » après le démantèlement de la « jungle » en octobre dernier.

« Flux rémanent »… Qu’entendez-vous par là ?

Nous avons proposé dans notre rapport un dispositif d’accueil d’urgence qui aurait permis de recevoir entre dix et vingt personnes par jour, pour un temps très court. Ces migrants auraient été très rapidement acheminés vers un centre de transit organisé plus loin de la frontière avec la Grande Bretagne. Nous préconisions que ce second camp puisse recevoir entre soixante-dix et deux cents hommes, entre trente et cent vingt femmes et entre soixante et deux cent quarante mineurs isolés, selon les saisons et les besoins.

Pourquoi, à vos yeux, le ministère n’a-t-il pas choisi l’option que vous lui proposiez, alors que vous êtes un peu l’inventeur des CAO, les centres d’accueil et d’orientation répartis sur le territoire français ?

Il n’a pas voulu de cet accueil minimaliste par peur d’un appel d’air. Dès décembre, une fois que le gouvernement a observé que les migrants évacués de Calais restaient majoritairement dans les CAO, ils nous ont annoncé qu’ils n’opteraient pas pour notre solution.

Vous voulez dire qu’ils vous ont annoncé cela en décembre c’est-à-dire bien avant l’augmentation du nombre d’arrivées que connaît le Calaisis aujourd’hui ?

Effectivement. Aujourd’hui des migrants arrivent à Calais directement d’Italie, sans avoir été arrêtés avant en traversant la France. La situation est différente de celle du Calaisis en décembre.

Êtes-vous déçu de ce choix du gouvernement, alors que vous vous êtes attaché à proposer une formule viable et très raisonnée ?

Je fais crédit au gouvernement d’avoir opté pour la formule qui lui semblait la meilleure. Je regrette quand même de n’avoir pas pu débattre avec le ministère de l’intérieur de ce sujet. Nous avions en effet proposé un accueil très minimaliste, qui n’a pas été discuté. La crainte de l’appel d’air l’a une nouvelle fois emporté.

Lire notre reportage : Les migrants sont de retour à Calais