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La signature du décret interdisant l’entrée aux Etats-Unis de ressortissants de sept pays majoritairement musulmans – Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen – par le président Donald Trump, vendredi 27 janvier, n’a pas fini de provoquer une onde de choc planétaire. Passé l’effet de surprise initial, les réactions outrées se sont multipliées tout au long du week-end, balançant entre colère et mise en garde. De Londres à Berlin, de Djakarta à Téhéran, les gouvernements se sont exprimés dans un rare élan d’unanimité, où seuls les alliés arabes de Washington, les Etats du Golfe et l’Egypte, non concernés par le décret, ont gardé le silence.

Dès samedi matin, le président iranien, Hassan Rohani, a critiqué une politique qui consiste à ériger « des murs entre les peuples » : « C’est comme si certains avaient oublié qu’il y a bien d’années, le mur de Berlin s’est effondré. » Sur Twitter, Mohammad Javad Zarif, le chef de la diplomatie, a comparé la décision à « un merveilleux cadeau fait aux extrémistes et à leurs soutiens ». En fin de journée, le ministère des affaires étrangères a prévenu que l’Iran « appliquera la réciprocité tant que ces restrictions insultantes n’auront pas été levées ». Une disposition également réclamée peu après par la commission des affaires étrangères du Parlement irakien.

La leçon de Merkel

Les commentaires en Libye ont oscillé entre une indignation de principe et une relative indifférence, due au fait que peu de Libyens se rendent aux Etats-Unis. Un jeune militant de la société civile de la ville de Zintan (ouest), s’exprimant sous couvert de l’anonymat, se déclare ainsi « choqué » par une décision « dangereuse », tout en relativisant sa portée : « Il y a très peu de Libyens qui cherchent à aller aux Etats-Unis, nous nous sentirions bien plus touchés si un Etat européen prenait une telle mesure d’ostracisme. »

La Ligue arabe, concernée au premier chef, s’est dite dimanche soir « profondément préoccupée ». Le porte-parole du secrétaire général, l’Egyptien Ahmed Aboul Gheit, s’est notamment inquiété du fait qu’un critère religieux ait pu entrer en ligne de compte dans la décision de l’administration américaine. Le Soudan, autre pays visé par le décret, a convoqué dimanche le chargé d’affaires des Etats-Unis, pour se plaindre du décret, qui intervient deux semaines après la levée, par Washington, des sanctions économiques pesant sur Khartoum.

En Allemagne, pays qui a accueilli environ 1 million de réfugiés en 2015, notamment des Syriens, Angela Merkel a déclaré qu’elle regrettait un tel décret et que la lutte contre le terrorisme « ne justifie pas une suspicion générale à l’égard de gens ayant certains antécédents ou certaines convictions religieuses ». Samedi, lors d’un entretien téléphonique, la chancelière a expliqué à M. Trump en quoi consistait la convention de Genève sur les réfugiés.

Paris et Londres ont fait écho aux propos exprimés par Berlin. Lors du premier entretien téléphonique entre François Hollande et Donald Trump, le président français a rappelé, samedi soir, à son interlocuteur que « le repli sur soi est une réponse sans issue ». M. Hollande a rappelé « sa conviction que le combat engagé pour la défense de nos démocraties ne serait efficace que si nous l’inscrivions dans le respect des principes qui les fondent, en particulier l’accueil des réfugiés ». Sur Twitter, le chef de la diplomatie, Jean-Marc Ayrault, a déclaré : « Le terrorisme n’a pas de nationalité, la discrimination n’est pas une réponse. »

Le soutien de Nétanyahou

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Son homologue britannique, Boris Johnson, a tweeté dimanche que « stigmatiser en raison de la nationalité est injuste et sème la discorde ». Une pétition en ligne a même été lancée, demandant l’annulation de la visite d’Etat que Donald Trump a accepté vendredi à l’invitation de Theresa May. Celle-ci a réuni près de 1 million de signatures en quelques heures, tandis que des manifestations contre le « bannissement des musulmans » étaient prévues lundi dans une vingtaine de villes britanniques. Jeremy Corbyn, le chef de l’opposition travailliste, a estimé que Mme May « abandonnerait le peuple britannique » si elle maintenait cette visite.

Le retard et la faiblesse de la réaction de la première ministre concentrent aussi les critiques. En visite en Turquie samedi, où le premier ministre Binali Yildirim a affirmé lors d’une conférence de presse conjointe que « nous ne résoudrons pas le problème des réfugiés en érigeant des murs », Mme May a refusé trois fois de condamner la décision de M. Trump. Il a fallu attendre minuit, samedi, pour que Downing Street publie un communiqué affirmant que « la politique d’immigration des Etats-Unis concerne le gouvernement des Etats-Unis », mais que Londres « n’approuve pas ce genre d’approche ».

Dans ce concert de protestation, seul le gouvernement israélien se distingue. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a indiqué sur son compte Twitter : « Le président Trump a raison. J’ai construit un mur le long de la frontière sud d’Israël. Cela a stoppé toute l’immigration illégale. Grand succès, grande idée. »