Roger Federer à Melbourne, le 29 janvier. | THOMAS PETER / REUTERS

On s’était presque mis à parler d’eux à l’imparfait. A revisionner, comme on regarde un bon vieux film, les duels si souvent homériques entre deux légendes aux styles si opposés. Nostalgiques d’une rivalité – la plus grande de l’ère Open, disent certains, sans faire offense aux Borg-McEnroe et autres Agassi-Sampras –, d’un passé flamboyant qu’on croyait révolu. C’était compter sans un drôle de coup du destin sous les latitudes australes. Roger Federer, 35 ans, et Rafael Nadal, 30 ans, ultimes rescapés du premier Grand Chelem de la saison, six ans après leur dernier face-à-face en finale d’un Majeur. Qui l’eût cru ?

Dans ce choc des vétérans (au lendemain de celui des sœurs Williams remporté par Serena, 35 ans), le dernier mot est revenu à l’aîné de ces deux monstres vivants du tennis, vainqueur dimanche 29 janvier à Melbourne de l’Espagnol au terme d’un nouveau classique en cinq actes (6-4, 3-6, 6-1, 3-6, 6-3). Cette 35e confrontation entre les deux meilleurs ennemis du circuit était à la fois historique et inespérée. Déjouant tous les pronostics, défiant les lois du temps, les deux joueurs ont opéré une résurrection simultanée.

« J’aurais même été heureux de perdre. Le tennis est un sport cruel, sans match nul. Mais j’aurais aimé partager ce trophée avec toi, Rafa », a déclaré Federer

Il y a à peine quelques mois, ils avaient chacun terminé leur saison à l’infirmerie, le Suisse en raison d’un genou et un dos en compote, l’Espagnol à cause d’un poignet douloureux. « Aucun de nous ne pensait être en finale de l’Open d’Australie il y a quelques mois. Et nous voilà. J’aurais même été heureux de perdre. Le tennis est un sport cruel, sans match nul. Mais j’aurais aimé partager ce trophée avec toi, Rafa », a déclaré Federer à l’issue de son sacre, lui qui n’avait plus décroché de titre du Grand Chelem depuis Wimbledon 2012. On n’est pas forcément obligé de le croire, tant le Suisse ne cachait pas son désir de coiffer une 18couronne (record absolu chez les hommes). Le « maître » a réussi son come-back et assoit ainsi un peu plus sa légende.

Federer Vs Nadal Australian Open 2017 F Highlights
Durée : 07:04

A Melbourne, en 2009, le scénario – en cinq sets, déjà – avait tourné à l’avantage de Nadal. « Cette défaite me tue », avait confessé Federer, en pleurs. Cette fois, il y eut à nouveau des larmes, mais d’ivresse. En Australie, le désormais 10joueur mondial a remonté le temps. Comme a pu le constater Richard Gasquet, sèchement battu par le Suisse quelques jours avant Melbourne : « On dirait un mec de 20 ans. Sur le jeu, il n’y a rien à dire, c’est monstrueux. »

Revers étourdissant

Monstrueux, oui. Tout au long de la quinzaine, ce « Rodgeur »-là a été « federesque ». Aérien contre Tomas Berdych, impérial au service face à Kei Nishikori, agressif comme rarement contre Mischa Zverev. « Il peut tout faire, il vole sur le court », dira son compatriote Stan Wawrinka, qui a subi sa loi en demi-finale. Dimanche, son revers, d’ordinaire friable face au gaucher majorquin, a été étourdissant.

Son éloignement du circuit durant six mois fut sans doute un mal pour un bien, lui permettant de se refaire une santé physiquement et mentalement. Tout comme Nadal. La confiance minée par les blessures et les défaites qui s’ensuivirent, ses frappes faisaient moins mal ces derniers temps. A Melbourne, l’Espagnol a joué relâché, plus offensif, aussi. La surface accélérée fournissait des conditions idéales pour les adeptes du jeu vers l’avant. Résultat : et Novak Djokovic et Andy Murray se sont fait piéger.

« S’il te plaît, continue de jouer, Rafa, le tennis a besoin de toi », a imploré Federer

Federer et Nadal, eux, se sont engouffrés dans la brèche. Ultime mimétisme chez deux hommes qui ont construit leur carrière parallèlement, se nourrissant l’un de l’autre pour porter leur sport un peu plus vers les sommets. « S’il te plaît, continue de jouer, Rafa, le tennis a besoin de toi », a imploré Federer, durant la remise des trophées. Aussi longtemps que ces deux-là seront sur les courts, le tennis « vintage » se savourera au présent.