Les anciens locaux de l’IAAF, à Monaco. | ERIC GAILLARD / REUTERS

La commission d’éthique de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a rendu, mardi 31 janvier, ses conclusions concernant la suspension provisoire de trois membres de l’institution. Nick Davies, ancien porte-parole de la Fédération et ex-directeur du cabinet du nouveau président Sebastian Coe, Jane Boulter-Davies, du département compétitions, et Pierre-Yves Garnier, membre du département anti-dopage, avaient été temporairement relevés de leurs fonctions, le 10 juin 2016.

La décision de la commission d’éthique n’est pas teintée d’une sévérité excessive. Si Nick Davies est exclu de l’IAAF et soumis à une amende de 5 000 euros, il conserve le droit de travailler dans l’athlétisme, y compris pour des compétitions organisées par l’IAAF. Jane Boulter-Davies, son épouse, et Pierre-Yves Garnier peuvent quant à eux reprendre leurs fonctions respectives à l’IAAF. La commission propose de leur infliger à chacun une amende de 2 500 euros. Tous les trois peuvent faire appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).

« Strictement confidentiel »

L’examen du cas de ces trois dirigeants était l’une des conséquences de l’enquête française ouverte à la fin 2015 sur des soupçons de corruption à la tête de la Fédération internationale, afin de couvrir des cas de dopage dans l’athlétisme russe. En novembre 2015, Lamine Diack, l’ex-président de l’IAAF (1999-2015), a été mis en examen par des juges français, pour « corruption » et « blanchiment aggravé ». Son conseiller juridique, Habib Cissé, et l’ancien responsable du département antidopage, Gabriel Dollé, sont poursuivis pour « corruption passive ». Un mandat d’arrêt international a été lancé contre Papa Massata Diack, fils de Lamine Diack et ancien consultant auprès de l’IAAF.

Un mail découvert par les enquêteurs français et révélé par Le Monde, le 18 décembre 2015, avait conduit à l’annonce de ces suspensions provisoires. Dans un courriel « strictement confidentiel » daté du 29 juillet 2013, Papa Massata Diack expliquait que Valentin Balakhnichev, le président de la Fédération russe d’athlétisme, l’avait sollicité « pour intervenir en interne auprès du personnel qui lui était antagonique dans le processus de gestion de ce dossier depuis septembre 2012, et, à cette fin, un travail de lobbying a été fait auprès de C. Thiaré (50 K), Nick Davies (UK press lobbying 30 K et calmer Jane Boulter), G. Dollé (50 K) et PY Garnier (assistance champagnole, 10 K géré par Cheikh) [sic] ». En garde à vue, Lamine Diack avait ainsi décrypté ce mail envoyé par son fils : « Papa Massata Diack a donné de l’argent aux uns et aux autres pour les faire taire et qu’ils ne s’opposent pas. »

Le 22 décembre 2015, Nick Davies s’était retiré de ses fonctions après que Le Monde avait publié un mail qu’il avait écrit à Papa Massata Diack le 19 juillet 2013. Juste avant les Mondiaux de Moscou, M. Davies évoquait dans ce courriel des « cadavres russes […] toujours dans le placard » et les plans pour minimiser de futures révélations médiatiques.

« Sérieuse erreur de jugement »

Dans une lettre au juge Renaud Van Ruymbeke, reçue en août 2016, le Britannique a reconnu avoir reçu 30 000 euros de Papa Massata Diack lors d’une réunion à l’hôtel Fairmont de Monaco, le « 17 ou 18 juillet 2013 ». « Si dans [l’]esprit de [PMD], [et] celui de son père [Lamine Diack], cet argent avait pour but de me corrompre, cela n’a de fait eu aucune influence sur mon comportement professionnel, qui a eu pour objet de protéger les championnats [du monde] à Moscou et l’image de marque de l’IAAF », écrivait-il. « Dans cette affaire, estimait-il, j’ai commis une seule erreur majeure : nier un temps et devant les policiers français avoir reçu de l’argent en espèces. »

M. Davies a répété les mêmes arguments à Anthony Hooper, l’enquêteur de la commission d’éthique de l’IAAF. Soulignant que M. Davies avait « admis une sérieuse erreur de jugement » et s’en était « sincèrement excusé », la commission d’éthique de l’IAAF lui a signifié qu’il était « libre de chercher un autre emploi dans le sport et de s’impliquer dans des compétitions organisées par l’IAAF ».

Cette même commission avait requis, le 7 janvier 2016, la suspension à vie de Papa Massata Diack, Valentin Balakhnichev et Alexeï Melnikov, un entraîneur russe, pour avoir tenté de couvrir des cas de dopage dans l’athlétisme russe. « Les suspensions à vie annoncées ce jour sont un message très fort, qui montre que ceux qui tentent de corrompre l’athlétisme ou de le saboter seront traduits en justice », s’était alors réjoui Sebastian Coe, président de l’IAAF.

Les trois hommes ont fait appel de leur sanction devant le TAS, qui les a auditionnés en novembre 2016 et devrait rendre sa décision dans les semaines à venir.