Des fleurs devant le Centre culturel islamique de Québec, le 30 janvier. | ALICE CHICHE / AFP

Les drapeaux ont été mis en berne au Canada lundi 30 janvier, au lendemain d’un attentat qui a fait six victimes et dix-neuf blessés, dont cinq grièvement atteints, au Centre culturel islamique de Québec, considéré comme la Grande Mosquée de la capitale québécoise. Alexandre Bissonnette, un étudiant de 27 ans, a pénétré dimanche dans la mosquée, située dans le quartier Sainte-Foy, puis ouvert le feu sur des fidèles réunis pour la dernière prière du soir. Il s’est ensuite enfui en voiture mais, pris de remords une demi-heure plus tard, il a appelé la police. « Il était armé et parlait de ce qu’il venait de faire », a déclaré l’inspecteur de police Denis Turcotte, ajoutant qu’il voulait se rendre.

Alexandre Bissonnette a comparu au Palais de justice de Québec lundi en fin d’après-midi et reviendra devant la cour le 21 février. Il fait face à onze chefs d’accusations, six pour meurtres avec préméditation et cinq pour tentatives de meurtre à l’aide d’une arme à feu. La police a précisé qu’il pourrait encore être accusé d’acte terroriste et d’atteinte à la sécurité nationale. Un autre suspect, Mohammed Belkhadir, aussi arrêté dimanche soir près des lieux du drame, a été relâché lundi midi. « Suite à l’enquête, il est maintenant considéré comme témoin », a indiqué la police sur Twitter.

Pro-Trump et Marine Le Pen

Le tireur – sans casier judiciaire – vivait chez ses parents à Cap-Rouge, en banlieue de Québec. Etudiant à l’Université Laval depuis 2012 en anthropologie, puis en sciences politiques, il est décrit par un camarade de classe comme « un nerd introverti », amateur de chasse et affichant des idées d’extrême droite à l’université comme sur les réseaux sociaux, tout en ayant été sympathisant du Parti Québécois. Pro-Israël, pro-Trump, anti-féministe et anti-immigrants, il « likait » régulièrement les pages Facebook du nouveau président américain et de Marine Le Pen. Il exprimait souvent avec virulence ses opinions sur les pages Facebook de groupes, comme celle de « Bienvenue aux réfugiés - Ville de Québec ». Son gestionnaire, François Deschamps, a reconnu celui qui tenait des propos xénophobes et qualifiait les féministes de « féminazies ». Il ne semblait cependant faire partie d’aucun groupe de droite radicale connu.

Les avis divergent sur le tempérament de ce « loup solitaire ». D’anciens camarades de lycée estiment qu’il avait une personnalité antisociale, qu’il était « arrogant » et avait l’insulte facile. On l’appelait « le méchant » et son frère jumeau « le gentil », dit l’un, alors qu’un autre le voit plutôt comme « un gars tranquille, pas du tout violent ».

Ses six victimes sont des musulmans de 39 à 60 ans, a indiqué la police provinciale. Un épicier bien connu de la communauté de Québec figure parmi eux, ainsi que Khaled Belkacemi, professeur à l’Université Laval. Parmi les blessés, deux luttaient encore pour leur vie lundi, a précisé un porte-parole de l’hôpital de Québec, qui les a accueillis.

« Cœur brisé »

En début d’après-midi, à Ottawa, le premier ministre canadien Justin Trudeau a profité de la reprise des travaux parlementaires pour inviter à une minute de silence après avoir rappelé qu’« un tel acte de violence n’a pas sa place dans la société canadienne ». Au « plus d’un million de Canadiens de confession musulmane », il a assuré que « 36 millions de Canadiens ont aussi le cœur brisé ». Plus tôt dans la journée, il avait condamné cet « attentat terroriste ». Il s’est ensuite rendu à Québec pour participer à une veillée en hommage aux victimes près de la Grande Mosquée, puis à une rencontre avec la communauté musulmane locale. « Nous sommes ici pour démontrer que nous n’acceptons pas cette haine », a-t- il déclaré devant la foule.

Toute la journée, alors que la sécurité était renforcée aux abords des mosquées du pays, les appels à la solidarité, à la fraternité et à la tolérance ont été lancés par les élus canadiens et les représentants musulmans. « On est tous dans le chagrin », a dit le premier ministre québécois Philippe Couillard. « Nous devons absolument nous rassembler », a estimé la porte-parole du Conseil national des musulmans canadiens, Amira Elghawaby.

Plusieurs dirigeants de la communauté musulmane de Québec ont exprimé leur douleur, mais aussi le réconfort trouvé dans l’élan de solidarité de leurs concitoyens et de leurs élus. Certains rappelaient tout de même que les musulmans sont encore victimes de gestes ou propos haineux au Canada. En juin, une tête de porc accompagnée d’une affiche « Bon appétit » avait été déposée à l’entrée du Centre culturel islamique de Québec.