Pas question de baisser la garde face à la Chine, malgré un environnement commercial en passe d’être complètement perturbé par le virage protectionniste américain. Vendredi 27 janvier, la Commission européenne a annoncé de nouvelles mesures anti-dumping contre certains aciers chinois (mais aussi taïwanais), portant à 39 ce type de mesures décidées par Bruxelles dans le secteur de l’acier, dont 17 visant la Chine.

Les produits concernés sont des « accessoires de tuyauterie en acier inoxydable à souder bout à bout ». Bruxelles, qui avait ouvert une enquête fin 2015, a conclu qu’ils étaient vendus à perte. Ils seront soumis à une surtaxe de 30,7 % à 64,9 % à leur arrivée dans l’Union européenne (les produits de Taïwan se verront taxés de 5,1 % à 12,1 %).

La réponse chinoise ne s’est pas fait attendre : « Face aux méthodes erronées de l’Union européenne, qui enfreignent les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine prendra les mesures nécessaires pour défendre les justes droits de ses entreprises », a assuré vendredi le ministère chinois du commerce.

Protéger une sidérurgie européenne déjà fragile

Depuis un an, Bruxelles multiplie ces mesures de rétorsion pour éviter que les énormes surplus chinois à bas coût ne fragilisent encore plus une sidérurgie européenne déjà en difficulté. La Commission a choisi de changer de doctrine et d’adopter une stratégie de défense pugnace, n’hésitant pas, contrairement aux usages, à appliquer des surtaxes avant même que ses enquêtes antidumping aient été bouclées.

Elle a par ailleurs décidé, fin 2016, de ne pas reconnaître à la Chine le statut d’économie de marché qu’elle revendiquait au sein de l’OMC. Sa prise de position doit encore être approuvée par le Parlement et le Conseil européens. Enfin, une majorité d’Etats membres s’est enfin dégagée, ces dernières semaines, pour approuver une proposition de directive datant de 2013 permettant d’alourdir considérablement les surtaxes de dumping.

Si leurs rapports se sont tendus, il n’est cependant pas du tout question de « guerre économique » entre l’Union européenne et la Chine, dont les échanges commerciaux atteindraient désormais 1 milliard d’euros par jour selon la Commission. « Nous avons nos désaccords avec les Chinois mais nous dialoguons. Et c’est une bonne chose », explique au Monde Cecilia Malmström, la commissaire européenne au commerce.

Pékin tente de réduire ses surcapacités

La Chine tente effectivement de réduire ses surcapacités. En 2016 d’après les chiffres officiels, elle a fermé des usines permettant de produire 45 millions de tonnes d’acier. Le secteur du charbon aurait, lui, réduit ses capacités de 250 millions de tonnes. Environ 800 000 ouvriers ont été « affectés » par ces réductions, selon l’agence officielle Chine nouvelle.

Pékin prévoyant de fermer de 100 à 150 millions de tonnes de capacités de production d’acier d’ici à 2020 (sur un total de plus de 1 milliard), le plus dur reste à faire. Début 2016, les autorités avaient annoncé un fonds de 100 milliards de yuans (13,4 milliards d’euros) pour venir en aide aux salariés des secteurs du charbon et de l’acier. « Cette année, ce sera plus difficile. On se concentrera sur les entreprises zombies [maintenues en vie grâce aux subventions publiques] », a assuré Xu Shaoshi, le président de la Commission nationale pour la réforme et le développement, qui gère la planification de l’économie chinoise.

La chute des prix de l’acier en 2015 avait poussé des entreprises à mettre la clef sous la porte. Mais la remontée soudaine des cours depuis février 2016 a changé la donne. Le gouvernement central a plus de mal à convaincre les autorités locales d’appliquer leurs engagements de fermer des entreprises à nouveau rentables… Au final, la production chinoise d’acier a augmenté de 1,1 % en 2016. En 2017, les experts prédisent une accalmie, le gouvernement chinois ayant réussi à stopper l’envolée de l’immobilier, fort stimulant de la demande d’acier.