L’enjeu politique est aujourd’hui le retour d’une majorité conservatrice dans la plus haute juridiction d’appel des Etats-Unis, alors que le Sénat lui-même est déjà majoritairement républicain. | NICHOLAS KAMM / AFP

Alors que le Sénat examine encore certaines nominations de l’administration de Donald Trump, le président américain doit désigner, mardi 31 janvier, un nouveau juge à la Cour suprême des Etats-Unis. Une nomination particulièrement politique pour une juridiction très importante.

  • Qu’est le rôle de la Cour suprême ?

La Cour suprême est la plus haute juridiction d’appel aux Etats-Unis. Composée de neuf juges, elle est chargée de trancher en ultime recours contre une décision prise par les Etats ou par Washington sur les grands débats de société.

La Cour suprême peut notamment être amenée à examiner un texte de loi ou un ordre exécutif, afin de déterminer s’il est en accord avec la Constitution des Etats-Unis.

Les décisions les plus importantes sont généralement rendues au mois de juin, et la Cour traite environ « 80 cas par an ».

La Cour a été amenée à rendre de nombreuses décisions importantes sur des débats de société. En 2015, elle a par exemple estimé que la Constitution garantissait le droit au mariage entre deux personnes de même sexe.

En 2016, elle a rendu une décision liée à la discrimination positive, en jugeant que les universités pouvaient prendre en compte des critères raciaux dans la sélection des étudiants. Le dossier avait été porté par une jeune femme blanche du Texas qui estimait ne pas avoir été sélectionnée dans une université en raison de sa couleur de peau.

Toujours en 2016, la haute cour a rendu une décision historique en faveur du droit des femmes à avorter, allant à l’encontre d’une loi adoptée au Texas et ayant conduit à la fermeture de dizaines de centres d’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Elle a aussi suspendu, en février 2016, le programme de lutte contre le réchauffement climatique de Barack Obama.

  • Pourquoi Donald Trump doit-il nommer un nouveau juge ?

Depuis la mort le 13 février du juge Antonin Scalia, la Cour suprême n’est plus composée que de huit juges : quatre dits conservateurs (John Roberts, Samuel Alito, Clarence Thomas et Anthony Kennedy) et quatre dits progressistes (Ruth Bader Ginsburg, Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Stephen Breyer), après avoir été composée d’une majorité de juges conservateurs.

Durant la dernière année de son mandat, Barack Obama a tenté de proposer le progressiste Merrick Garland, 63 ans, pour occuper le neuvième siège laissé vacant, mais le Sénat, majoritairement républicain, s’y est opposé, refusant d’étudier sa candidature et jugeant qu’il fallait attendre janvier 2017 et l’arrivée de la nouvelle administration pour attribuer le neuvième siège.

L’enjeu politique est donc, aujourd’hui, le retour d’une majorité conservatrice dans la plus haute juridiction d’appel des Etats-Unis.

  • Quels sont les critères de désignation des juges ?

Les neuf juges qui siègent à la Cour sont nommés à vie. Chacun est nommé par le président puis confirmé par le Sénat. Traditionnellement, les présidents américains choisissent des personnalités issues du monde du droit ou de la politique, même si rien ne les y oblige. La tradition veut également que les présidents nomment des juges qui partagent leurs valeurs et leur sensibilité politique.

Plusieurs sénateurs démocrates ont indiqué qu’ils comptaient bloquer tout candidat réputé proche des républicains et proposé par M. Trump. Les républicains sont certes majoritaires au Sénat, avec 52 sièges, contre 46 pour les démocrates. Mais ces derniers peuvent user d’un « filibuster », c’est-à-dire d’une obstruction, qui permet à plusieurs sénateurs de bloquer une procédure tant que la majorité n’obtient pas 60 voix pour poursuivre. Il resterait alors une dernière option aux républicains, l’option appelée « nucléaire » : une procédure qui priverait les démocrates du « filibuster ».

  • Quelles sont les personnalités pressenties par M. Trump ?

Pendant la campagne présidentielle, Donald Trump a publié une liste de 21 candidats potentiels à la Cour suprême. Selon plusieurs médias américains, dont le Washington Post et le site spécialisé Politico, le président hésitait encore il y a quelques jours entre trois juges : Neil Gorsuch, Thomas Hardiman et Bill Pryor, tous conservateurs.

Juge fédéral dans une cour d’appel, Bill Pryor est « sans doute le plus polarisant des possibles nominés, alors que certains groupes estiment qu’il va trop loin à droite, et d’autres trop à gauche », affirme le Washington Post. L’intéressé a tenu des propos conservateurs sur l’avortement et les droits des couples de même sexe, mais a parallèlement soutenu une décision en faveur d’une femme transgenre licenciée de son travail, provoquant le mécontentement de certains conservateurs. Il est soutenu par Jeff Sessions, le (futur) nouveau ministre de la justice de l’administration Trump.

Juge à la cour d’appel fédérale de Pittsburgh, Thomas Hardiman s’est fait connaître dans plusieurs affaires, en estimant par exemple que le 1er amendement de la Constitution américaine n’autorisait pas les citoyens à filmer les policiers.

Autre juge en cour d’appel, Neil Gorsuch, 49 ans, a d’abord travaillé dans le privé, avant de rejoindre le ministère de la justice, puis d’être nommé par George W. Bush en 2006. Pour plusieurs médias américains, il est perçu comme un choix moins polémique pour la Cour suprême, ce qui pourrait faciliter une confirmation du Sénat.

Pendant sa campagne, M. Trump a clairement indiqué qu’il comptait nommer un juge conservateur. « Les juges que je vais nommer (…) seront pro-vie », donc anti-avortement, avait-il ainsi déclaré lors du troisième débat présidentiel, le 19 octobre.