Rüdiger Grube aura dirigé la Deutsche Bahn de 2009 à janvier 2017. | TOBIAS SCHWARZ / AFP

La Deutsche Bahn est de nouveau plongée dans le chaos, mais cette année, la neige n’y est pour rien. La compagnie ferroviaire et logistique allemande, détenue à 100 % par l’Etat fédéral, vient de subir un bouleversement inattendu. Son directeur, Rüdiger Grube, a brusquement démissionné, lundi 30 janvier, à la suite d’un désaccord avec le conseil de surveillance sur la prolongation de son mandat. L’épisode jette une lumière désastreuse sur le groupe allemand, qui tente depuis des années de se réformer.

Rüdiger Grube, 65 ans, était à la tête du groupe depuis 2009. Il espérait que son contrat, qui devait théoriquement prendre fin en décembre 2017, soit prolongé de trois ans, assorti d’une augmentation de salaire de 10 %. Il jugeait insuffisant, pour un poste de cette ampleur et de cette complexité, la rémunération annuelle de 1,4 million d’euros qu’il touche depuis son entrée en fonction. La Deutsche Bahn emploie 300 000 salariés dans le monde et réalise un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros, soit autant que l’équipementier allemand Continental, dont le PDG, reçoit, pour sa part, 5 millions d’euros par an.

Mais les membres du conseil de surveillance de la Deutsche Bahn ont opposé au dirigeant une fin de non-recevoir, arguant que les résultats étaient inférieurs aux attentes. Piqué, celui-ci a présenté sa démission avec effet immédiat, déclenchant une grave crise de succession.

Un poste très délicat

Le prochain patron in petto, Ronald Pofalla, ancien secrétaire général de la chancellerie et proche d’Angela Merkel, est jugé au sein du conseil de surveillance encore trop inexpérimenté sur le plan du management, et peu au fait des questions techniques pour assumer le poste, rapporte la presse allemande. Mais aucun autre candidat n’est en vue. Dans l’immédiat, c’est le directeur financier du groupe qui a pris en charge la direction de la compagnie.

Pour le groupe comme pour le gouvernement, l’affaire est extrêmement gênante. Le poste de PDG de la Deutsche Bahn est l’un des plus délicats et des plus politiques de l’économie allemande. Rüdiger Grube, arrivé après un scandale d’espionnage massif des salariés qui avait coûté son poste à son prédécesseur, était plutôt apprécié des responsables politiques. Son départ révèle les contradictions d’une entreprise gérée par l’Etat, qui paye depuis plusieurs années les aléas de sa stratégie.

Au milieu des années 2000, l’objectif était de privatiser la compagnie. Pour y parvenir, le patron d’alors, Helmut Mehdorn avait développé les activités internationales et serré la vis sur le réseau allemand. Les conséquences de cette stratégie empoisonnent encore aujourd’hui la réputation de la DB.

La mise en Bourse, prévue à l’origine pour 2008, n’a finalement pas eu lieu, et les trains suscitent régulièrement l’ironie des voyageurs pour leurs pannes monumentales et leur désastreuse ponctualité. En 2011, un rapport ministériel relève que moins de 70 % des trains sont arrivés à l’heure cette année-là en Allemagne, sans compter les liaisons annulées.

Amélioration du service aux voyageurs

Durant son mandat, M. Grube a relancé l’investissement : commande de nouvelles rames de train, rénovations d’ampleur dans les gares et le réseau, numérique… et lance un grand projet d’amélioration du service aux voyageurs. Ces derniers mois, les clients ont pu enfin ressentir les progrès accomplis : les grosses pannes ont été évitées, la ponctualité s’améliore et l’on peut surfer gratuitement à bord des trains à grande vitesse ICE, même en seconde classe.

Mais le conseil de surveillance de DB s’est alarmé des coûts engendrés par ces réformes, alors que les recettes baissent. En 2015, la compagnie a réalisé une perte de 1,3 milliard d’euros. L’an dernier, son endettement avait atteint un niveau si élevé que les agences de notation ont commencé à s’inquiéter de la santé de l’entreprise.

La proposition de Rüdiger Grube de privatiser partiellement les filiales très rentables du groupe comme DB Schenker (logistique) et DB Arriva (transport de personnes à l’étranger), avait échoué devant l’opposition politique. C’est finalement l’Etat fédéral qui a recapitalisé l’entreprise en novembre 2016, en apportant 2,4 milliards d’euros de capitaux frais et en renonçant partiellement à son dividende. Un « cadeau » qui a sans doute indirectement coûté son poste à Rüdiger Grube.