PASCAL GUYOT / AFP

Les postulants à l’élection présidentielle – ou leurs porte-parole – étaient attendus, mardi 31 janvier, à la Maison de la Mutualité, à Paris, pour le colloque annuel du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Ils étaient invités à se prononcer sur le Livre blanc élaboré par les professionnels, désireux de profiter de « l’élan mondial » de ce secteur.

Après des années maussades, une éclaircie se profile pour les énergies vertes en France. Certes, elles demeurent à la peine : fin 2015, leur part dans la consommation finale d’énergie n’était que de 14,9 %, alors qu’elle aurait dû atteindre 17 % pour se trouver en phase avec l’objectif de 23 % en 2020, fixé dans le cadre du « paquet énergie-climat » européen. Les chiffres à fin 2016 ne sont pas encore connus, mais le différentiel ne devrait guère avoir changé.

Ces mauvaises performances placent la France dans la queue du peloton européen, loin de la Suède (52,6 % de renouvelables fin 2014), de la Finlande (38,7 %), de l’Autriche (33,1 %) ou du Danemark (29,2 %). De tous les pays de l’Union européenne, elle est celui qui accuse le retard le plus important sur son objectif.

La France en retard sur ses objectifs | Commissariat général au développement durable

« Il ne faut pas se faire d’illusions. On n’arrivera pas à rattraper ce retard d’ici à 2020 », déplore le président du SER, Jean-Louis Bal. En revanche, pense-t-il, « il n’est pas trop tard pour se mettre sur la bonne trajectoire pour 2030 ». La loi de transition énergétique d’août 2015 prévoit de porter, à cette échéance, la part des renouvelables à 32 % du mix énergétique.

Les industriels veulent donc faire preuve d’optimisme. Le bilan de l’année 2016 est pourtant en demi-teinte. Dans l’éolien terrestre, 1 345 mégawatts (MW) de capacités nouvelles ont été installés, un record historique. Pour autant, le parc en place au 30 septembre dépassait à peine 11 000 MW, très en deçà des 19 000 MW visés en 2020. La faute, en grande partie, aux recours systématiques déposés par les associations anti-éolien.

La situation est inverse dans le solaire photovoltaïque. On n’a installé que 576 MW de puissance en 2016, le plus mauvais résultat de ces dernières années. Ce secteur subit encore les contrecoups du moratoire sur les projets solaires décidés par l’Etat au début des années 2010 pour crever la bulle spéculative qui s’était formée. Le parc en place n’en atteignait pas moins 6 650 MW fin septembre (7 500 MW avec l’outre-mer), déjà au-delà des 5 400 MW escomptés en 2020.

L’Hexagone mal classé au sein de l’Europe | Eurostat

« Confirmation » des ambitions

C’est pour l’éolien en mer que le tableau est le plus sombre. Les turbines des six parcs au large des côtes normandes, bretonnes et vendéennes, pour un total de 3 000 MW, ne tourneront pas avant la prochaine décennie. Et les résultats d’un nouvel appel d’offres pour une puissance de l’ordre de 500 MW au large de Dunkerque (Nord) sont toujours attendus.

D’où vient, alors, que la profession croie en des lendemains plus radieux ? L’embellie espérée tient à la programmation pluriannuelle de l’énergie, publiée en octobre 2016. Cette feuille de route, qui décline la loi de transition énergétique, « nous donne de la visibilité », se félicite Jean-Louis Bal. Elle prévoit de faire grimper la capacité hexagonale d’énergie renouvelable de 41 000 MW en 2014 à 71 000 ou 78 000 MW, selon les scénarios, en 2023.

La ministre de l’environnement et de l’énergie, Ségolène Royal, a ainsi lancé deux appels d’offres dans le photovoltaïque, pour une capacité totale de 4 500 MW sur trois ans. Les industriels en réclament autant pour l’éolien terrestre.

La filière profite aussi d’un travail de simplification administrative qui, constate le président du SER, « commence à porter ses fruits ». A compter du 1er mars, une autorisation environnementale unique sera exigée pour les installations de production d’énergie renouvelable, alors que de multiples autorisations étaient jusqu’alors nécessaires – au titre des réserves naturelles, des sites classés, de la protection de la faune et de la flore sauvages… Cela n’empêchera pas les recours, mais ils devraient être moins nombreux, ce qui pourrait diviser par deux la durée de réalisation des parcs éoliens (de six à sept ans aujourd’hui).

Un secteur dominé par la biomasse et l’hydroélectricité | SER

Les industriels attendent donc des futurs responsables politiques la « confirmation » des ambitions tracées par la programmation pluriannuelle. Et l’allocation des moyens financiers promis. Année après année, Mme Royal met en avant « le doublement du fonds chaleur », un dispositif géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour développer la biomasse, la géothermie ou le solaire thermique. Ce fonds est doté de 210 millions d’euros par an, mais la promesse de doublement ne s’est pas encore concrétisée.

« Il s’agit d’un outil très efficace, plaide Jean-Louis Bal. De 2009 à 2013, l’Etat y a consacré 1,1 milliard d’euros, ce qui a permis de remplacer 1 million de tonnes équivalent pétrole de combustibles fossiles et d’économiser 350 millions d’euros par an sur les importations d’hydrocarbures. Soit un amortissement en seulement trois ans. »

Quel que soit le résultat de la présidentielle, les renouvelables peuvent compter sur un allié objectif : la baisse régulière de leur coût. Une étude publiée le 25 janvier par l’Ademe montre que l’éolien terrestre et le photovoltaïque sont devenus, en France comme dans le reste du monde, « compétitifs vis-à-vis des moyens conventionnels » de production d’électricité, nucléaire compris.