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Edtorial du « Monde ». « Ça va mieux ! » C’est le slogan de campagne qu’avait inventé François Hollande en avril 2016 pour mieux préparer sa réélection. Neuf mois et un renoncement plus tard, ça ne va pas vraiment mieux. En 2016, la croissance française a atteint 1,1 %, selon les chiffres publiés mardi 31 janvier par l’Insee. Un chiffre en retrait sur le 1,2 % atteint en 2015 et, surtout, très inférieur à la prévision du gouvernement, qui tablait sur 1,4 %.

Et pourtant, cette morosité tranche avec la confiance des ménages : elle a atteint en janvier l’indice 100 et retrouve un seuil jamais atteint depuis 2007, lors de l’élection de Nicolas Sarkozy. Les Français consomment de nouveau, et achètent des automobiles.

Ce comportement s’explique par la progression du pouvoir d’achat et par l’emploi. Le revenu disponible des Français, qui a augmenté de 1,9 % l’an dernier, a, certes, été poussé par le recul des impôts et la hausse des salaires, mais il s’explique d’abord par le contre-choc pétrolier, lequel a permis de diviser par deux la facture énergétique française. Prudence toutefois, ce gain est encaissé, alors que l’inflation et le pétrole remontent, sur fond de baisse de l’euro.

Second front, le nombre des chômeurs a reculé de 110 000 en un an. C’est peu sur une masse proche de 3,475 millions (contre 2,9 millions en mai 2012), mais une éclaircie réelle pour la population. Ce recul s’explique, en partie, par le transfert de jeunes en formation, mais ce n’est pas tout : la France, pays à la démographie dynamique, a créé quelque 160 000 emplois dans le secteur marchand.

Anémie préoccupante

L’économiste Patrick Artus identifie deux sous-groupes florissants : les emplois dans les technologies, qui attestent de la bonne santé des start-up françaises dans le numérique ; mais aussi les emplois de type Uber de chauffeurs, livreurs et autres services à la personne. En théorie, la France n’a pas créé de minijobs à l’allemande. En fait, la précarité s’est imposée par l’ubérisation et c’est ce qui explique la surprise de 2016 : la France crée des emplois avec une croissance très faible.

Toutefois, l’anémie de la croissance reste préoccupante. Il n’est pas normal qu’après tant d’années la France ne connaisse pas un fort rebond et reste avec l’Italie en queue de peloton. Le Royaume-Uni a réalisé en 2016 une performance de 2 %, l’Allemagne 1,9 %, l’Espagne 3,2 %.

Pourtant, les entreprises françaises ont reconstitué une partie de leurs marges, notamment avec le CICE. Elles font moins faillite, le nombre de défaillances étant repassé, toujours en 2016, sous la barre des 60 000 pour la première fois depuis 2008. Si la France a regagné de la compétitivité face à l’Allemagne, elle en a perdu face à l’Espagne, nouveau concurrent industriel.

Visiblement, l’outil productif français reste sinon profondément abîmé, du moins fragile et les chefs d’entreprise français ne savent pas vendre leurs produits à l’étranger. Les échanges extérieurs ont contribué négativement à la croissance (– 0,9 %). Selon COE-Rexecode, institut proche du patronat, le déficit commercial est reparti à la hausse et devrait dépasser les 50 milliards d’euros en 2016 tandis que la balance des services est devenue déficitaire. Triste première depuis seize ans. Dans ce bilan pour le moins mitigé, une lueur d’espoir : entreprises et ménages se sont remis à investir (+ 2,8 en 2016).

La France est sortie de sa glissade. Laborieusement, elle commence à remonter la pente. Très laborieusement.