Les Chinois n’entreront pas au capital d’Areva. Les négociations entre l’Etat français, le groupe nucléaire recentré sur le cycle du combustible (mines, enrichissement et retraitement de l’uranium) et son partenaire China National Nuclear Corporation (CNNC) ont échoué, selon la chaîne BFM Business, à la fois sur la présence d’un administrateur chinois et la part de capital réclamée par Pékin.

Au-delà de cet épisode, ce sont près de quarante ans de coopération franco-chinoise dans le nucléaire qui risquent d’en pâtir. Et ce au moment où la filière française est en pleine restructuration et où les industriels chinois – affranchis de leurs mentors français, mais aussi russes et américains – affichent leur volonté d’exporter leur propre technologie.

Dans le cadre du sauvetage d’Areva en quasi-faillite, l’Etat a décidé qu’EDF reprendrait la fabrication des réacteurs et les services (Areva NP). Le reste du groupe sera scindé en deux : les activités à risques (EPR finlandais…) seront cantonnées dans Areva SA et bénéficieront d’une augmentation de capital de 2 milliards d’euros à la seule charge de l’Etat ; le cycle du combustible, regroupé dans Areva NewCo, aura pour sa part 3 milliards, une augmentation de capital (acceptée par Bruxelles) ouverte à des partenaires étrangers.

Mêmes conditions « pour tous les investisseurs »

L’entrée des japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et Japan Nuclear Fuel Limited (JNFL) est actée : ils verseront ensemble 500 millions en contrepartie de 10 % du capital d’Areva NewCo. Dès le départ, l’Etat actionnaire avait prévenu que les autres partenaires seraient logés à la même enseigne. « Les conditions d’entrée au capital de NewCo seront les mêmes pour tous les investisseurs. L’Etat ne souhaite pas de représentation directe des investisseurs tiers au conseil d’administration de NewCo », réaffirmaient mi-janvier les conseillers du secrétaire d’Etat à l’industrie, Christophe Sirugue.

Les dirigeants de CNNC avaient d’autres prétentions. Ils réclamaient un poste pour un administrateur chinois, une part du capital plus importante que celle des japonais et même une clause garantissant un retour sur investissement, regrettant que les perspectives de rentabilité d’Areva NewCo soient insuffisantes.

L’Agence des participations de l’Etat (APE) s’y est opposée. Malgré un aller-retour à Pékin, en janvier, du président et du directeur général d’Areva, Philippe Varin et Philippe Knoche, rien n’y a fait. Même si les deux dirigeants ne désespèrent pas, à terme, de faire entrer ce partenaire central pour Areva.

Discussions techniques et négociations commerciales en cours

CNNC est une entreprise publique regroupant de très nombreuses activités (recherche, production d’électricité, fabrication d’équipements, gestion des déchets…) réalisées en France par le Commissariat à l’énergie atomique, EDF et Areva. C’est avec elle qu’Areva négocie depuis dix ans la construction en Chine d’une usine de recyclage des combustibles usés comme celle de La Hague (Manche) pour un coût de plus de 10 milliards d’euros. Les deux groupes ont achevé les discussions techniques et engagé des négociations commerciales, indique Areva. Résisteront-elles à l’échec sur le capital d’Areva ?

En novembre 2015, Areva et CNNC avaient signé à Pékin, en présence de François Hollande et du président Xi Jinping, un accord prévoyant une entrée au capital d’Areva et des coopérations renforcées (mines, combustible, recyclage, logistique, démantèlement…). « L’approfondissement de la coopération avec nos partenaires chinois est un facteur primordial du succès futur d’Areva », déclarait M. Varin. Manuel Valls, alors premier ministre, avait aussi soutenu un renforcement de la coopération nucléaire franco-japonaise, qui n’est pas forcément du goût des chinois.

Outre CNNC, la Chine compte un autre géant public, China General Nuclear Power Corporation (CGNPC). Partenaire historique d’EDF, il achève la construction de deux réacteurs EPR à Taïshan (province de Guangdong) et participe à la relance du nucléaire au Royaume-Uni, CGNPC finançant un tiers des 22 milliards d’euros des EPR d’Hinkley Point construits par EDF. Pour l’Etat patron chinois chapeautant CNNC et CGNPC, pas d’investissement financier sans investissement industriel. A terme, c’est en effet sa technologie, notamment son réacteur de troisième génération, qu’il veut vendre en Europe.