Benoît Hamon le savait : au lendemain de sa victoire à la primaire à gauche, l’un de ses premiers défis serait de faire face à la division de son propre camp. Dans l’entre-deux-tours bruissaient des rumeurs de défection massive de députés qui pourraient se tourner vers Emmanuel Macron. De départs massifs, il n’y a pas encore eu, mais, mardi 31 janvier, des élus socialistes de l’aile droite du PS ont annoncé leur intention de tourner le dos à la campagne.

Dans une tribune publiée dans Le Monde, les députés Christophe Caresche et Gilles Savary, membres du « pôle des réformateurs » au sein du Parti socialiste – qui compte une cinquantaine de députés –, soutiens de Manuel Valls lors de la primaire à gauche, revendiquent « un droit de retrait de la campagne présidentielle ». Après la réunion de leur groupe, mardi, M. Savary a indiqué que « 25 personnes » adhéraient à ce « droit de retrait ».

Dans la tribune, MM. Caresche et Savary expliquent, entre autres :

« En tant que militants, nous ne pouvons nous sentir liés par un “projet de société” fondé sur une logique d’assistance généralisée et de dépréciation de la valeur travail. Nous considérons que ce serait contraire à la culture socialiste qui, historiquement, s’est construite autour de l’amélioration des conditions de travail et du temps du travailleur. »

« Malaise profond »

Retrait qui ne signifie pas, pour l’heure, un soutien à Emmanuel Macron, a expliqué mardi matin sur RMC Christophe Caresche, député de Paris, l’un des deux signataires de ce texte. Il reconnaît toutefois que l’ancien ministre est le candidat dont il est le plus proche « sur le plan idéologique », et que certains élus « feront » ce pas vers l’ancien ministre de l’économie. L’élu socialiste a aussi évoqué un « malaise profond » au PS :

« On peut se demander si on n’est pas arrivé au bout du chemin. C’est-à-dire que la synthèse qui avait été celle du PS, (…) durant cette mandature (…) a explosé d’un certain point de vue. »

François Loncle, député de l’Eure, également membre du pôle des réformateurs a dit, lui, sur LCP, qu’il se donnait « une quinzaine de jours » pour décider s’il rallie l’ancien ministre de l’économie. Pour lui, impossible de faire campagne pour les législatives sous la même bannière que Benoît Hamon en juin, si ce dernier maintenait des dispositions avec lesquelles il se dit en désaccord. Il cite, notamment, le revenu universel « tel qu’il l’a présenté », le 49.3 citoyen, « une atteinte à la représentation parlementaire », ou encore l’abrogation de la loi travail qui contient « des dispositifs (…) qui sont extrêmement précieux ». Il attend également du candidat un discours « beaucoup moins ambigu sur la laïcité ». Si d’aventure M. Hamon ne répondait pas à ces attentes, le député a dit avoir encore quelques réserves à l’idée de se tourner vers Emmanuel Macron :

« J’ai évidemment une ligne politique qui ressemble beaucoup à (la sienne) : la social-démocratie (…) J’écoute avec attention ses propos, mais c’est prématuré (…) J’attends qu’(il) nous dise exactement où il nous mène, comment il structure son programme et sa démarche, il y a encore des incertitudes. »

Le Guen : « On peut être socialiste et appeler à voter Macron ».

Dans un entretien au Parisien, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat à la francophonie et proche de Manuel Valls, affirme, lui, haut et fort : « On peut être socialiste et appeler à voter Macron. » Reste qu’il refuse, pour l’heure, de lui accorder son soutien. Pour lui, « il y a encore beaucoup trop d’inconnues, de flou sur son programme, ses orientations et sa méthode de rassemblement ». Mais il récuse l’agenda de Benoît Hamon, dont il juge la candidature « très clivante » au lendemain de sa victoire à la primaire à gauche :

« Sa stratégie ne semble pas être de rassembler sa famille mais d’aller concurrencer Jean-Luc Mélenchon. Il n’est pas dans une logique présidentielle mais de recomposition de la gauche de la gauche. Mais cela ne mènera à rien. »

Pascal Cherki, député de Paris et soutien de Benoît Hamon, lui a répondu dans la matinée par la menace. « Si Jean-Marie Le Guen ne veut pas voter pour le candidat désigné par la primaire, il ne pourra plus être investi par le PS pour les législatives », a-t-il prévenu dans un tweet.

Les investitures doivent être actées ce week-end et le Parti socialiste a prévenu que les députés qui soutiendraient le candidat d’En Marche ! seront sanctionnés. Dès lundi, des élus socialistes qui soutenaient Manuel Valls avaient déjà annoncé qu’ils soutiendraient la candidature d’Emmanuel Macron.