L’ambassade des Etats-Unis à Paris, en 2015. | JOHN SCHULTS / REUTERS

La défaite provoque parfois d’étranges contorsions. Aphones depuis la cinglante victoire de Donald Trump, l’establishment démocrate, à l’exception notable des sénateurs Elizabeth Warren (Massachusetts), Dianne Feinstein (Californie) et Bernie Sanders (Vermont, indépendant mais rattaché aux démocrates du Sénat), semblent avoir été balayés par l’ouragan politique à la mèche déferlante. Comme si les hautes instances du parti oscillaient depuis ce fichu 8 novembre et la défaite d’Hillary Clinton entre contrition et déni.

Ils étaient trois, mardi 31 janvier, à l’Inseec Business School, école privée de commerce, sise dans le très chic 16e arrondissement de Paris, invités à parler du climat politique aux Etats-Unis. Trois « Democrats Abroad France », membres du Parti démocrate et résidents dans l’Hexagone, rassemblés le temps d’un après-midi devant les très sages étudiants de l’établissement. Le débat se voulait être une « réponse au président Donald Trump ». L’occasion, aussi, d’exprimer leur solidarité envers les personnes détenues dans les aéroports américains suite au décret anti-réfugiés signé vendredi 27 janvier 2017 par le nouveau président.

« Je reste optimiste »

Il a surtout été question des réalisations de Barack Obama (COP 21, Obamacare, réformes fiscales) et d’une foi immodérée dans les fondements de l’Amérique. « Je reste optimiste, affirme Jonathon Holler, coprésident des Youth Caucus (comité des jeunes) des Democrats Abroad France. Certes, nous vivons une crise morale, Donald Trump gesticule, de manière hystérique même, mais nous ne traversons pas une crise institutionnelle. » Et d’ajouter, avec un contentement quelque peu prématuré, au sujet de la politique anti-immigrés du nouveau président : « La loi de 1965 [l’Immigration and Nationality Act, qui met fin aux quotas de migrants uniquement européens] empêche toute discrimination, la jurisprudence est claire. Elle nous protégera. »

D’un même ton, Constance Borde, vice-présidente des Democrats Abroad France et membre du Comité national démocrate (DNC), se veut, elle aussi, rassurante. « Je crois en la Constitution », déclare-t-elle, rappelant que les mobilisations se mettent en place, surtout depuis les « Marches des femmes » du 21 janvier. « Tout n’est pas perdu, on peut faire beaucoup de choses d’ici les prochaines élections qui auront lieu dans deux ans, à mi-mandat, assure-t-elle. A nous de reprendre pied localement, dans les instances représentatives au niveau des écoles, des communes, des Etats. »

Face à l’accumulation de mauvaises nouvelles et de sondages peu flatteurs pour son propre camp, la dirigeante s’est résolue à faire usage, sans le dire, d’une forme de droit d’inventaire sur son parti. Elle-même se rendra du 23 au 26 février à Atlanta pour les élections au DNC. « Certes, nous avons besoin de réformes, d’une nouvelle direction. La campagne entre Bernie et Hillary n’a pas été d’une grande impartialité… » Et puis ceci, d’un même trait d’optimisme confondant : « Trump ? C’est une chance pour le parti de retourner sur le terrain, une chance pour mettre en place une réforme du parti et aller dans le fond des choses. Oui, cela peut arriver en une nuit, comme ce fut le cas en 2004, l’année où John Kerry a perdu, et où quatre ans plus tard nous avons plébiscité Obama. Oui, il y a un espoir. »

« Une forme de coup d’Etat est en cours »

Curtis Young, ancien vice-président de l’African American Caucus des Democrats Abroad France, a évoqué, lui, le « spirit » américain : « cet esprit, ce sentiment que Trump n’arrivera jamais à casser ». Avec toutefois une mise en garde : « Il existe une colère, une frustration que Trump a saisie. L’homme est fou, mais pas stupide, il envoie des ballons d’essais pour voir ce que les gens pensent et ne pensent pas », dit-il.

La voix empreinte d’une invariable sincérité, le militant conclut : « Je suis optimiste mais pas aveugle. Une forme de coup d’Etat est en cours, l’entourage de Trump comme les Stephen Bannon et Kellyanne Conway incitent à l’inquiétude. Mais une fois que l’on dit cela, que fait-on ?, demande-t-il à l’auditoire. Nous devons relever la tête, nous devons retrouver une stratégie, renouer avec les jeunes, nous organiser avec les femmes. La partie n’est pas finie, le proverbe ne dit-il pas que l’heure la plus sombre est celle qui précède le lever du soleil ? » Effectivement.