Le vélo, évocateur d’un mode de transport non polluant dans les villes et populaire dans les campagnes, est le symbole du parti régional Samajwadi, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh. | Sajjad Hussain/AFP

Lundi 16 janvier, la Commission électorale indienne a rendu une décision très attendue. Elle a autorisé Akhilesh Yadav, à la tête de l’Uttar Pradesh, un État du nord de l’Inde, à continuer à utiliser le symbole de son parti, le vélo, réclamé par une faction dissidente. À la veille d’élections régionales, en février et mars, ses supporteurs ont aussitôt laissé éclater leur joie en allumant des pétards et en brandissant des vélos dans les rues de New Delhi.

En Inde, la survie d’un parti dépend aussi de son symbole. Dans un pays où le quart de la population souffre d’illettrisme, il guide le vote des électeurs. C’est lui qu’on sélectionne dans l’isoloir en appuyant sur le bouton correspondant au candidat de son choix. Il permet surtout de mieux s’y retrouver parmi les 1 761 partis qui existent en Inde. Avec des noms ou des programmes qui parfois se ressemblent, le symbole permet de faire la distinction. Pour cela, les partis doivent sélectionner un objet de la vie quotidienne facilement identifiable comme le stéthoscope, la boîte de crayons, le radiateur… s’il est encore disponible. Car les nouveaux partis doivent se contenter d’un coupe-ongles, de chaussettes ou d’une trompette, à moins qu’ils soient les premiers à jeter leur dévolu sur les nouveaux objets de la vie moderne comme l’antenne satellite ou le smartphone.

Si le symbole est encombrant et difficile à transporter, comme une bouteille de gaz ou une pompe à essence, il peut sérieusement compliquer une campagne.

Jusqu’à la fin des années 1960, les nouveaux partis devaient choisir parmi une liste de symboles. Ils peuvent désormais soumettre leurs propres choix, mais à certaines conditions. La référence à une caste ou à une religion est interdite et le choix d’un animal a peu de chance d’être validé, depuis qu’en 1962, un éléphant et un tigre avaient été choisis par deux candidats.

Le premier avait fait campagne sur le dos de l’animal et lui avait même appris à déposer un bulletin dans l’urne du bout de sa trompe. Le second se déplaçait à chaque meeting avec son tigre en cage. La commission électorale, dont la tâche dans la plus grande démocratie du monde est suffisamment ardue, ne veut surtout pas se mettre à dos les défenseurs des droits des animaux.

Mieux vaut bien choisir son symbole, car il risque sinon de devenir un fardeau. S’il est encombrant et difficile à transporter dans les meetings, comme une bouteille de gaz ou une pompe à essence, il peut sérieusement compliquer une campagne. Et s’il se distingue difficilement, comme la boîte d’allumettes, c’est la mort assurée du parti.

Le vélo est un bon symbole : Akhilesh Yadav a construit de multiples pistes cyclables, associant ainsi sa formation politique à un mode de transport non polluant dans les villes et populaire dans les campagnes. Sa tâche aurait été certainement plus compliquée si le symbole choisi par son parti à sa création eût été la machine à écrire ou le gramophone.

Un talisman du pouvoir

Le symbole encapsule l’identité du parti et délimite son territoire. Des villages du Tamil Nadu aux quartiers de Bombay, des drapeaux flottent à l’effigie du parti qui gouverne la circonscription. Le député est un seigneur à qui on ne refuse rien. Mieux vaut savoir où commence et où se termine son fief, à l’intérieur duquel le symbole s’utilise comme un talisman du pouvoir. Les hommes politiques le portent fièrement à l’avant de leurs voitures, souvent de puissants 4 × 4, pour éviter de se faire arrêter par la police ou pour afficher leur influence.

En Inde, la bataille des symboles est parfois plus mouvementée que celle des idées. À deux reprises, le Parti du Congrès, vieux parti de l’indépendance, a dû en choisir un nouveau à la suite de scissions. En 1971, à contrecœur, l’ancienne première ministre Indira Gandhi a troqué les deux bœufs traînant un attelage contre la vache prenant soin de son veau. Mais rapidement, ses opposants ont commencé à se moquer en y voyant Indira et son fils Sanjay, qu’elle prédestinait à la politique. En 1978, elle a opté pour la paume ouverte, symbole de la protection, malgré les réticences de certains conseillers qui craignaient que les Indiens voient dans ce symbole la main levée du policier avant une arrestation. Récemment, dans un meeting électoral en Uttar Pradesh, Rahul Gandhi, petit-fils d’Indira, a associé la paume ouverte du Parti du Congrès à celle de divinités, souvent représentées avec ce geste. Le symbole va ainsi même jusqu’à offrir à certains partis une dimension sacrée…

Akhilesh Yadav et la bicyclette (animation)

Samajwadi akhilesh running bicycle
Durée : 02:13