Manuel Valls face à ses soutiens, à Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle), le 27 janvier 2017. | FREDERICK FLORIN / AFP

Etre ou ne pas être fidèle au résultat de la primaire à gauche. Soutenir son vainqueur ou aller voir ailleurs. Après la victoire de Benoît Hamon dimanche 29 janvier, les électeurs de Manuel Valls rencontrés par Le Monde au cours de la campagne oscillaient entre un soutien accordé du bout des lèvres au candidat PS et un changement d’écurie politique.

Il y a ceux qui, comme Pierre S., syndicaliste à Limoges, disent vouloir « rester fidèles à la gauche » en acceptant le verdict des urnes. Mais ils ne sont pas nombreux à partager ce sentiment. « Heureusement, nous ne sommes pas tous des moutons », lance Florence M., chef d’entreprise dans le Tarn qui avait fait campagne pour Manuel Valls et qui refuse de soutenir Benoît Hamon. « Il n’a aucunement la carrure pour être président de la République, explique-t-elle. Face à Trump ou Poutine, on ne peut présenter un délégué de classe ! » Mais que faire en avril ? La trentenaire n’a pas encore la réponse.

« En l’état, c’est la course à la catastrophe pour la présidentielle », s’alarme aussi Vanessa Xavier. Avocate au barreau de Marseille, elle avait soutenu l’ancien premier ministre aux deux tours de la primaire.

« Aujourd’hui, je suis déçue et dans le doute, poursuit-elle. Je suis consciente de la menace de la droite et de l’extrême droite, mais j’ai du mal à me résoudre à suivre Hamon. » A Marseille, Pierre Bels, retraité de 83 ans, s’agace : « Ils ont sabordé un gouvernement de gauche, ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire. Et maintenant, ils nous expliquent ce qu’il faut faire. »

« Je vais aller voir ce que propose Macron »

Bernadette M., retraitée limougeaude, elle, ne « dit pas non, mais c’est un peu tôt ». Cette présidente d’association attend le programme présidentiel du candidat pour se prononcer. Mais, déjà, elle voit des inflexions qui vont dans le bon sens : « Il a commencé à clarifier certaines choses comme le revenu universel, en disant qu’il le réserverait d’abord aux jeunes de 18-25 ans. »

Pour Aimé Béraud aussi, la question du revenu universel est l’un des points-clés sur lesquels se décidera son éventuel soutien à Benoît Hamon. Membre du conseil fédéral PS dans les Bouches-du-Rhône et du comité de campagne de Valls, il prépare une motion pour le prochain conseil fédéral demandant au vainqueur des amendements sur son projet. « Je ne peux pas dire à mes petits-enfants qu’on va leur donner de l’argent même s’ils n’ont pas de travail », justifie-t-il. Selon lui, des concessions sur ce point sont un préalable au rassemblement.

Vanessa Xavier s’interroge aussi sur le devenir du programme de M. Hamon. « Il ne peut faire autrement que de l’adapter aux électeurs qui ont voté Valls, comme moi. Mais le fera-t-il ? » Dans sa bouche, l’interrogation oscille entre le doute et la question rhétorique, au point qu’elle envisage un autre scénario. « Je me dis que je vais aller voir ce que propose Macron. Même si sa loi n’a pas forcément été quelque chose de super pour nous, professions libérales. »

« Ce que propose Hamon est trop éloigné de la réalité »

Même conclusion pour Jean-Luc Faure, Marseillais de 54 ans, gérant d’une entreprise d’espaces verts dans le pays aixois. « Je suis entrepreneur, et ce que propose Hamon est trop éloigné de la réalité du monde dans lequel je vis au quotidien. » Lundi matin, son téléphone n’arrêtait pas de sonner. « Plein d’amis, des gens comme moi, des entrepreneurs qui ont le cœur à gauche, m’ont appelé. Ils partagent tous mon sentiment : même s’il modifie son programme, Hamon ne nous rattrapera pas. Il y a trop d’écart avec ce que l’on vit. » Son choix est donc fait : il votera pour Emmanuel Macron.

« Ce sera soit Macron, soit le vote blanc », renchérit Jérôme Lajoumard. Il attend toutefois de voir ce que propose le candidat d’En marche ! « Ce que j’ai lu ne m’a pas convaincu pour l’instant », reconnaît le quadragénaire qui se dit toutefois « prêt à aller l’écouter ». « Macron est un phénomène impalpable, difficile à cerner », s’inquiète pour sa part Pierre Bels. « Il y a trop d’incertitudes autour de lui, les gens le suivent pour la nouveauté mais, sur le fond des idées, il n’y a rien », ajoute Florence M. qui « attend son programme » pour se prononcer.

A Toulouse, pour Manolita, 73 ans, aussi, c’est « non ». Pas question de voter pour Benoît Hamon, à qui elle ne pardonne pas son passé de frondeur du gouvernement. L’affaire Fillon n’a rien ajouté à son envie de mettre les doigts dans ce qu’elle appelle le « panier de crabes » de la politique. La septuagénaire, « fille de communiste », qui a pourtant toujours voté socialiste rend son tablier. Exit Hamon le frondeur, exit Macron qu’elle juge « pas encore mûr pour avoir une présidence ». Cette année, la présidentielle se fera sans elle. A trois mois du scrutin, elle assure qu’elle n’ira voter ni au premier ni au second tour.