Les sportives aux seins en obus ont été recalées. Trop sexy. Sur les panneaux Decaux, dans Paris, elles passent au second plan, cachées derrière leur bolide. Le jeu de la typographie « Win » sur un fond déchiqueté rouge, évoquant le sang ? Retoqué aussi. Trop trash. Il est désormais doré, façon trophée. C’est dire le petit espace de liberté des graphistes quand ils répondent à une commande d’affichage publique, même sur le thème apparemment consensuel du sport.

« T for Taipei », de l’illustrateur Jim Stoten. | Graphique Design Festival 2017

« Parfois, c’est inquiétant quand on n’a pas de contraintes et nous en cherchons malgré nous ! », confie un designer graphique qui a tenté l’exercice contraire pour le collectif Air Poster : donner corps à des idées, des envies, hors du cadre de la commande, pour le simple plaisir de la recherche graphique et plastique.

Ces deux versants d’un même savoir-faire sont à voir dans le cadre de la première édition du Graphic Design Festival, jusqu’au dimanche 5 février, au Musée des arts décoratifs de Paris. Et pas que… Typographie, publicité, édition, signalétique : toutes les pratiques du métier, dans son éclectisme, sont abordées, grâce à un itinéraire dans le musée qui se veut joyeux, pédagogique et très grand public.

Un langage universel

Une projection des Films d’ici entraîne le visiteur à Barcelone, Amsterdam ou Berlin, à la découverte de signes qui appartiennent à un espace urbain bien précis, tels Hollywood et son célèbre lettrage. A Paris, c’est le typographe Jean-François Porchez, auteur du caractère « Le Monde », qui joue les guides.

Arep Design Lab présente ses travaux sur la signalétique, qui permet aux usagers de se repérer dans les gares ou les aéroports. On ne la voit plus et pourtant, elle est bien insérée dans l’espace urbain tels ces pictogrammes indiquant les toilettes. La comparaison entre pays montre une forme de langage universel, malgré des identités graphiques assez différentes. Mais le message passe…

Parmi les plus beaux projets, les affiches du Théâtre de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, qui mettent en scène la ville et ses habitants ou ces créations d’artistes locaux et internationaux qui ont « croqué » la vie quotidienne à Tapei, en 2016. A découvrir aussi, les travaux d’un collectif de jeunes graphistes pour la galerie Azad de Téhéran, aux affiches trois-en-un ingénieuses et poétiques. De quoi avoir envie de faire un tour à la boutique du musée…

Graphic Design Festival Paris, 1re édition, jusqu’au 5 février au Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, à Paris (entrée gratuite). Des affiches sont visibles jusqu’au 22 février dans Paris.

« C’est une prise de pouvoir du design dans la cité »

Succédant à la Fête du graphisme née en 2014, le Graphic Design Festival Paris est une nouvelle manifestation ouverte à tous, gratuite, qui veut montrer le dynamisme de cette discipline protéiforme. L’agence culturelle Artevia s’est associée à l’équipe des D’Days pour faire naître cette première édition.

« Nous souhaitons parler de design au grand public tout au long de l’année, et non plus durant une semaine de printemps, comme autrefois, explique Scott Longfellow, le directeur des D’Days. Nous avons programmé trois grands rendez-vous : en janvier autour du graphisme, en mai autour des objets et des produits, puis en novembre autour d’enjeux prospectifs, avec une réflexion sur les pratiques et les usages du design, en vue d’améliorer le quotidien. »

« C’est une prise de pouvoir du design dans la cité, c’est surtout l’envie de croiser professionnels et curieux. Il faut mobiliser la communauté des designers, créer des liens entre eux, et faire en sorte qu’ils se fassent connaître auprès du grand public, comme cela existe ailleurs en Europe », précise-t-il.

D’Days, du 2 au 14 mai.