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Interview René Jacobs - Requiem de Mozart à la Philharmonie
Durée : 12:19

Le Requiem de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) est l’une des messes des morts les plus connues du répertoire. Et cette célébration du vide créé par le défunt fait toujours le plein dans les églises et les salles symphoniques.

Mais, ainsi que s’en amuse le chef d’orchestre belge René Jacobs, dans un entretien filmé proposé à l’entracte d’un concert donné à la Philharmonie de Paris, le 25 novembre 2016, cela paraît d’autant plus étonnant que Mozart n’en a véritablement écrit qu’une petite partie.

Car le compositeur, très affaibli par la maladie, ne put terminer ce qui allait devenir la messe de sa propre mort. Mozart en a composé et orchestré, rappelle Jacobs, « le premier mouvement, en entier, et puis jusqu’au “Sanctus”, mais seulement la partie chorale et la basse continue. A l’exception du “Lacrymosa”, qui s’interrompt après huit mesures on ne sait d’ailleurs pas pourquoi. En tout cas ce n’est pas là que Mozart est mort, comme le croient encore beaucoup de gens ! Mais, à partir du “Sanctus”, il n’y a plus rien. »

Après la mort de son époux, Constance Mozart, « une vraie femme d’affaires » selon Jacobs, décida de faire achever l’ouvrage, afin de n’avoir pas à rendre ­l’à-valoir touché à la commande et de recevoir le reliquat à la ­remise du manuscrit. Elle en ­confia l’achèvement à Joseph ­Eybler (1765-1846).

Interview Pierre-Henri Dutron - Requiem de Mozart à la Philharmonie
Durée : 06:18

Celui-ci orchestra ce qui ne l’avait pas été par son ami et collègue, mais la complétion du Requiem fut confiée à Franz Xaver Süssmayr (1766-1803), « non pas un vrai élève, mais plutôt un collaborateur » de Mozart, rappelle Jacobs, un « compositeur médiocre, auteur d’opéras-comiques ».

Ce « quatrième choix », selon ­Jacobs (d’autres compositeurs auraient refusé de se confronter à la figure géniale du compositeur disparu), est également l’auteur des récitatifs de La Clémence de ­Titus, l’opéra écrit par Mozart en… six semaines seulement, pendant cette même année 1791, en même temps qu’il travaillait à La Flûte enchantée.

De sorte que la version de Süssmayr, publiée au début du XIXe siècle, a longtemps été la seule jouée, en dépit de nombreuses querelles musicologiques et d’un résultat « extrêmement inégal », dit Jacobs. De nouvelles versions ont été proposées par des musicologues : Franz Beyer (1981) – la plus connue –, Richard Maunder (1986) et Robert Levin (1995).

De très audibles différences

Ne les jugeant pas satisfaisantes, René Jacobs a invité le jeune compositeur français Pierre-Henri Dutron à proposer une nouvelle version révisée du Requiem, qui s’appuie sur le travail de Süssmayr, mais propose de très ­audibles différences. Dutron s’en explique dans un entretien et ­témoigne avoir voulu modestement « faire la monture qui mette en valeur ce joyau ».

René Jacobs a choisi d’associer le Requiem de Mozart et la Harmoniemesse (1802), de Joseph Haydn (1732-1809), car il s’agit de la dernière messe écrite par l’un et l’autre. Et aussi parce que les six « grandes messes » de Haydn sont de l’excellente musique, comme le prouve cette belle interprétation du Flamand, qui sait comme peu faire coïncider la pureté de l’héritage grégorien et le drame du théâtre.

Harmoniemesse, de Joseph Haydn, et Requiem, de Wolfgang Amadeus Mozart (version achevée par Franz Xaver Süssmayr et complétée par Pierre-Henri Dutron). Avec Sophie Karthäuser (soprano).