Pierre Louis-Calixte dans « Le Bruiteur », au Studio-Théâtre du 2 au 12 février. | Christine Montalbetti

Une grande pièce avec trois fois rien : une table, une chaise, une sonnette, une bassine bleue, un balai, une boîte à outils, quelques micros… Début janvier, dans les sous-sols de la Comédie-Française, se préparait un spectacle inédit, à rebours de tous les clichés qui pourraient circuler sur la maison de Molière : Le Bruiteur, mis en scène à partir du 2 février
par le sociétaire Pierre Louis-Calixte au Studio-Théâtre, dans le cadre des Singulis (un format permettant aux comédiens de la troupe d’être seuls en scène).

La pièce, écrite par Christine Montalbetti, à paraître chez P.O.L, peut se résumer ainsi : dans un studio, un bruiteur s’apprête à créer un paysage de bord de mer. Entouré d’une boîte à outils, il explique comment il fabrique des sons et finit par nous raconter l’histoire qu’il doit bruiter. Une histoire de fugue – thème récurrent chez Christine Montalbetti. Une histoire de famille aussi.

« Il me faut trouver une voix qui laisse possible d’autres voix, les monologues intérieurs des spectateurs. » Pierre Louis-Calixte

Pierre Louis-Calixte, à la fois metteur en scène et unique interprète, semble faire surgir de nulle part des mouettes – incroyable ce que l’on peut faire avec deux poireaux ! –, puis froisse un K-way, et le bruit de la mer envahit la salle. Soudain, nous ne sommes plus à Paris, mais sur une plage. La magie opère aussi avec une bassine d’eau, une affiche plastifiée… Christine Montalbetti raconte qu’elle a eu l’idée de ce texte dans un studio d’enregistrement de France Culture, en découvrant la petite grotte du bruiteur : « Ce qui m’émeut, c’est le pouvoir des sons. Leur capacité à produire en nous des images. Leur pouvoir de fiction. » Bouleversée par Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, mis en scène en 2008 par Michel Raskine, et dans lequel Pierre Louis-Calixte jouait, elle a eu envie de lui confier sa pièce.

Ce dernier a sollicité les conseils d’une bruiteuse professionnelle, Judith Guittier, et d’un preneur de son, Jean-Louis Pilon, « capable de concrétiser nos rêves par son art du mixage ». L’enjeu n’était pas de faire une succession-démonstration de « trucages », mais bien d’imaginer une histoire. L’acteur souligne : « Dans quel ordre procéder ? Fallait-il fabriquer d’abord le son en cachant l’objet pour que l’oreille tente de deviner de quoi il s’agit ? Ou bien le montrer ? En quoi l’action allait couper le mouvement du texte, puisque, quand je bruite, je ne peux pas parler ? » Pierre Louis-Calixte souhaite avant tout « faire entendre la langue de Christine Montalbetti ». « Je crois que l’imaginaire peut s’emballer dans la rythmique du texte. Il me faut trouver une voix qui laisse possible d’autres voix, les monologues intérieurs des spectateurs. » Le plus grand bonheur serait d’arriver à ce que ces derniers ferment les yeux : « Ce serait énorme, et en cela semblable, pour moi, à l’abandon du lecteur qui se
fait son cinéma. »

« Le Bruiteur », de Christine Montalbetti, mise en scène de Pierre Louis-Calixte. Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre, 99, rue de Rivoli, Paris 1er. Du 2 au 12 février.